Oui, par Poséidôn! et aussi sans leur père.
DIKÆOPOLISQue mangent-elles de préférence?
LE MÉGARIENTout ce que tu voudras leur donner. Mais demande-le-leur.
DIKÆOPOLISPetite truie, petite truie!
LA FILLETTECoï, coï!
DIKÆOPOLISMangerais-tu bien des pois chiches montants?
LA FILLETTECoï, coï, coï!
DIKÆOPOLISEt puis encore! Des figues de Phibalis?
LA FILLETTECoï, coï!
DIKÆOPOLISQuels cris aigus vous poussez à propos de figues! Que quelqu'un de l'intérieur apporte des figues à ces petites truies. En mangeront-elles? Ah! ah! comme elles les croquent, ô vénérable Hèraklès! De quel pays sont ces truies? On les croirait de Tragasa-la-Goulue.
LE MÉGARIENMais elles n'ont pas mangé toutes les figues: car en voici une que je leur ai enlevée.
DIKÆOPOLISPar Zeus! ce sont deux gentilles bêtes. Combien veux-tu me vendre tes truies? Dis.
LE MÉGARIENL'une pour une botte d'ail; l'autre, si tu veux, pour un khœnix de sel.
DIKÆOPOLISJe te les achète. Attends ici.
LE MÉGARIENVoilà qui va bien. Hermès, dieu du gain, puissé-je vendre ainsi ma femme et ma mère!
UN SYKOPHANTEHé! l'homme. De quel pays es-tu?
LE MÉGARIENMarchand de cochons de Mégara.
LE SYKOPHANTEJe dénonce comme ennemis tes cochons et toi.
LE MÉGARIENAllons, bon! Voilà la cause de toutes nos misères revenue!
LE SYKOPHANTEChanson mégarienne! Ne lâcheras-tu pas ce sac?
LE MÉGARIENDikæopolis! Dikæopolis! On me dénonce.
DIKÆOPOLISQui cela? Quel est ton dénonciateur? Agoranomes, vous ne mettrez pas à la porte les sykophantes? A quoi penses-tu de nous éclairer sans lanterne?
LE SYKOPHANTENe puis-je pas dénoncer les ennemis?
DIKÆOPOLISTu vas crier, si tu ne cours pas dénoncer ailleurs.
LE MÉGARIENQuel fléau pour Athènes!
DIKÆOPOLISCourage, Mégarien! Tiens, voilà le prix de tes truies; prends l'ail et le sel, et bien de la joie!
LE MÉGARIENAh! il n'y en a pas beaucoup chez nous.
DIKÆOPOLISQuelle inadvertance! Qu'elle retombe sur ma tête!
LE MÉGARIENPetits cochons, tâchez, sans votre père, de manger de la galette avec du sel, si quelqu'un vous en donne!
CHŒUR DES AKHARNIENSHeureux homme! N'as-tu pas entendu quel gain il tire de sa résolution? Il fera ses affaires assis sur l'Agora. Et si Ktésias se présente, ou quelque autre sykophante, il ira gémir assis. Pas un homme ne te fraudera sur le prix des denrées; Prépis n'essuiera pas devant toi son infâme derrière, et Kléonymos ne te bousculera pas. Tu te promèneras drapé dans une brillante læna. Tu ne rencontreras pas Hyperbolos, inassouvi de chicanes; tu ne seras pas abordé, en parcourant l'Agora, par Kratinos, toujours rasé à la fine lame, comme les galants; ni par le pervers Artémôn, trop alerte à la musique, exhalant de ses aisselles la mauvaise odeur d'un bouc de sa patrie Tragasa. Jamais plus ne te raillera le roi des méchants, Pauson, ni, sur l'Agora, Lysistratos, l'opprobre des Kholargiens, homme imprégné de tous les vices, grelottant et mourant de faim plus de trente jours par chaque mois.
UN BŒOTIENPar Hèraklès! mon épaule n'en peut mais. Ismènias, pose doucement à terre le pouliot. Vous tous, flûteurs thébains, soufflez avec vos flûtes d'or dans un derrière de chien.
DIKÆOPOLISAux corbeaux! Ces frelons ne quitteront donc pas nos portes? D'où s'est abattue sur ma porte cette volée, élevée par Khæris, ces flûtistes bourdonnants?
LE BŒOTIENPar Iolaos! ton souhait m'est agréable, étranger! Depuis Thèbæ, en soufflant derrière moi, ils ont fait tomber par terre mes fleurs de pouliot. Mais, si tu veux bien, achète-moi de ce que je porte, des poulets ou des sauterelles.
DIKÆOPOLISAh! salut! mon cher Bœotien, mangeur de kollix. Qu'apportes-tu?
LE BŒOTIENTout ce que nous avons de bon en Bœotia: origan, pouliot, nattes de jonc, feuilles à mèches, canards, geais, francolins, poules d'eau, roitelets, plongeons.
DIKÆOPOLISTu es un orage qui sème les oiseaux sur l'Agora.
LE BŒOTIENJ'apporte également oies, lièvres, renards, taupes, hérissons, chats, picfides, belettes, loutres, anguilles du Kopaïs.
DIKÆOPOLISO toi, qui offres le morceau le plus agréable aux hommes, permets-moi de saluer les anguilles que tu apportes.
LE BŒOTIENToi, l'aînée de mes cinquante vierges du Kopaïs, viens faire la joie de notre hôte.
DIKÆOPOLISO bien-aimée, objet de mes longs désirs, te voilà donc, toi pour qui soupirent les chœurs tragiques, et chère à Morykhos. Esclaves, apportez-moi ici le réchaud et le soufflet. Regardez, enfants, cette maîtresse anguille, qui vient enfin, désirée depuis six ans! Saluez-la, mes enfants. Moi, je fournirai le charbon pour faire honneur à l'étrangère. Mais emportez-la. La mort même ne pourra me séparer de toi, si on te cuit avec des bettes.
LE BŒOTIENEt à moi, que me donneras-tu en retour?
DIKÆOPOLISTu me la donnes en paiement de ton droit au marché. Mais si tu veux vendre quelques autres choses, parle.
LE BŒOTIENHé! tout cela.
DIKÆOPOLISVoyons, combien dis-tu? ou veux-tu troquer contre des denrées emportées d'ici?
LE BŒOTIENBien! Je prends des produits d'Athènes, qu'on n'a pas en Bœotia.
DIKÆOPOLISTu peux acheter et emporter des anchois de Phalèron ou de la poterie.
LE BŒOTIENDes anchois et de la poterie? Mais nous en avons, là-bas. Je veux un produit qui ne soit pas chez nous et qui abonde ici.
DIKÆOPOLISJe sais alors. Emporte un sykophante, emballé comme de la poterie.
LE BŒOTIENPar les Jumeaux! j'aurais grand profit à en emmener un. Ce serait un singe plein de malice.
DIKÆOPOLISVoici justement Nikarkhos qui vient dénoncer quelqu'un.
LE BŒOTIENC'est un bien petit homme!
DIKÆOPOLISMais il est tout venin.
NIKARKHOSA qui sont ces marchandises?
LE BŒOTIENA moi. De Thèbæ, Zeus m'en est témoin.
NIKARKHOSEt moi, je les dénonce comme ennemies.
LE BŒOTIENQuel mauvais instinct te pousse à guerroyer et à batailler contre des oiseaux?
NIKARKHOSJe vais te dénoncer toi-même en sus.
LE BŒOTIENQuel mal ai-je fait?
NIKARKHOSJe vais te le dire dans l'intérêt des assistants. Tu introduis des mèches de chez les ennemis.
DIKÆOPOLISAinsi donc tu dénonces des mèches?
NIKARKHOSUne seule suffit pour embraser l'arsenal.
DIKÆOPOLISL'arsenal? une mèche?
NIKARKHOSJe le crois.
DIKÆOPOLISEt comment?
Je le crois.
DIKÆOPOLISEt comment?
NIKARKHOSUn Bœotien peut l'attacher à l'aile d'une tipule, la lancer sur l'arsenal au moyen d'un tube, par un grand vent de Boréas; et, le feu prenant une fois aux vaisseaux, ils flambent tout de suite.
DIKÆOPOLISMéchant, digne de mille morts! ils flamberaient embrasés par une tipule et par une mèche?
NIKARKHOS, battu par DikæopolisDes témoins!
DIKÆOPOLISFermez-lui la bouche! Donne-moi du foin: je vais l'emballer comme de la poterie, pour qu'il ne se casse pas en route.
LE CHŒUREmballe bien, mon cher, cette marchandise destinée à l'étranger, afin qu'il n'aille pas la briser.
DIKÆOPOLISJ'y veillerai, car elle rend le son grêle d'un objet fêlé par le feu, et désagréable aux dieux.
LE CHŒURQue va-t-il en faire?
DIKÆOPOLISUn vase utile à tout, une coupe de maux, un mortier à procès, une lanterne pour espionner les comptables, un récipient à brouiller les affaires.
LE CHŒURMais qui oserait se servir d'un vase qui craque de la sorte dans la maison?
DIKÆOPOLISIl est solide, mon bon, et il ne cassera jamais, s'il est suspendu par les pieds, la tête en bas.
LE CHŒURLe voilà empaqueté comme tu le veux.
LE BŒOTIENJe vais enlever ma gerbe.
LE CHŒUR, à DikæopolisO le meilleur des hôtes, aide-le dans le transport, et jette où tu voudras ce sykophante bon à tout.
DIKÆOPOLISJ'ai eu bien de la peine à empaqueter ce maudit scélérat. Allons, Bœotien, emporte ta poterie.
LE BŒOTIENViens ici, et baisse ton épaule, Ismènikhos.
DIKÆOPOLISVeille à la porter avec précaution. En réalité, tu ne porteras là rien de bon; fais-le toutefois. Tu gagneras à te charger de ce fardeau. Les sykophantes te porteront bonheur.
UN SERVITEUR DE LAMAKHOSDikæopolis!
DIKÆOPOLISQu'y a-t-il? Pourquoi m'appelles-tu?
LE SERVITEURPourquoi? Lamakhos te prie de lui céder, moyennant cette drakhme, quelques grives pour la fête des Coupes, et, au prix de trois drakhmes, une anguille du Kopaïs.
DIKÆOPOLISQui est ce Lamakhos avec son anguille?
LE SERVITEURLe terrible, l'infatigable, qui agite sa Gorgôn et qui remue les trois aigrettes, dont il est ombragé.
DIKÆOPOLISPar Zeus! je refuse, me donnât-il son bouclier. Qu'il remue ses aigrettes en mangeant du poisson salé! S'il vient faire du bruit, j'appelle les agoranomes. Pour moi, j'emporte ces provisions, destinées à ma personne. J'entre sur les ailes des grives et des merles.
LE CHŒURTu as vu, oui, tu as vu, ville tout entière, la prudence et l'éminente sagesse de cet homme. Depuis qu'il a conclu une trêve, il peut acheter ce dont il a besoin pour sa maison et ce qui convient à des repas chaudement servis. D'eux-mêmes tous les biens lui arrivent.
Non, jamais je ne recevrai chez moi la Guerre; jamais elle ne me chantera l'air de Harmodios, assise à ma table, parce que c'est un être qui, pris de vin, et faisant ripaille chez ceux qui ont tous les biens, y cause tous les maux, renverse, ruine, détruit, et cela quand on lui a fait nombre d'avances: «Bois, assieds-toi, prends cette coupe de l'amitié,» tandis que lui porte partout le feu sur nos échalas, et répand brutalement le vin de nos vignes.
Chez l'homme que je dis le repas est grandement, libéralement ordonné, et les preuves de sa bonne chère se voient dans les plumes étalées devant sa porte.
DIKÆOPOLISO compagne de la belle Kypris et des Grâces aimables, Réconciliation, comme tu as un beau visage! Ai-je pu l'ignorer? Puisse un Amour nous unir, moi et toi, semblable à celui qui est présent, et couronné de fleurs! Crois-tu donc, par hasard, que je suis trop vieux? Mais si je te prends, je crois pouvoir t'offrir trois avantages. Et d'abord je puis aligner un long plant de vignes, puis élever auprès de tendres rejetons de figuier, en troisième lieu, tout vieux que je suis, y marier de jeunes ceps de vigne, et enfin garnir d'oliviers tout le tour de mon champ pour nous oindre d'huile, toi et moi, aux Noumènia.
UN HÉRAUTÉcoutez, peuple. A la façon de vos pères, buvez dans les coupes au son de la trompette. Celui qui l'aura vidée le premier recevra une outre faite comme Ktésiphon.
DIKÆOPOLISEnfants, femmes, n'avez-vous pas entendu? Que faites-vous? N'entendez-vous pas le Héraut? Faites bouillir, rôtissez, retournez et enlevez ces lièvres prestement; tressez les couronnes Apporte les broches, pour enfiler les grives.
LE CHŒURJ'envie ta prudence, mon cher homme, et encore plus ta bonne chère actuelle.
DIKÆOPOLISQue sera-ce, quand vous verrez rôtir ces grives?
LE CHŒURJe crois que tu dis juste encore sur ce point.
DIKÆOPOLISAttise le feu.
LE CHŒUREntends-tu avec quelle habileté culinaire, avec quelle science et avec quelle entente de gourmet il se fait servir?
UN LABOUREURMalheureux que je suis!
DIKÆOPOLISPar Hèraklès! quel est cet homme?
LE LABOUREURUn homme infortuné.
DIKÆOPOLISSuis ton chemin devant toi.
LE LABOUREURO cher ami, puisque la trêve est pour toi seul, cède-moi un peu de pain, ne fût-ce que de cinq ans.
DIKÆOPOLISQue t'est-il arrivé?
LE LABOUREURJe suis ruiné, j'ai perdu deux bœufs.
DIKÆOPOLISComment?
LE LABOUREURLes Bœotiens les ont pris à Phyla.
DIKÆOPOLISO trois fois malheureux! Et tu es encore vêtu de blanc?
LE LABOUREURCes deux bœufs, par Zeus! me nourrissaient de leur fumier.
DIKÆOPOLISQue te faut-il donc, maintenant?
LE LABOUREURJ'ai perdu la vue à pleurer mes bœufs. Mais si tu prends intérêt à Derkélès de Phyla, frotte-moi vite les deux yeux avec de la poix.
DIKÆOPOLISMais, malheureux, je ne suis pas en situation de rendre service à tout le monde.
LE LABOUREURAllons, je t'en conjure, peut-être retrouverais-je mes bœufs.
DIKÆOPOLISImpossible. Va-t'en pleurer auprès des disciples de Pittalos.
LE LABOUREURRien pour moi qu'une seule goutte de poix, verse-la dans ce chalumeau.
DIKÆOPOLISPas un fétu! Va-t'en gémir ailleurs!
LE LABOUREURInfortuné que je suis; plus de bœufs de labour!
LE CHŒURCet homme, avec son traité, s'est fait une vie douce, et il ne semble vouloir partager avec personne.
DIKÆOPOLISToi, arrose les tripes avec du miel; fais griller les sépias.
LE CHŒUREntends-tu ses éclats de voix?
DIKÆOPOLISGrillez les anguilles!
LE CHŒURTu vas nous faire mourir, moi de faim, et les voisins de fumée et de ta voix, en criant de la sorte.
DIKÆOPOLISRôtissez cela, et que la couleur en soit dorée!