Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier - Аристофан 6 стр.


Rôtissez cela, et que la couleur en soit dorée!

UN PARANYMPHE

Dikæopolis! Dikæopolis!

DIKÆOPOLIS

Quel est cet homme?

LE PARANYMPHE

Un jeune marié t'envoie ces viandes de son repas de noces.

DIKÆOPOLIS

Il fait bien, quel qu'il soit.

LE PARANYMPHE

Il te prie, en échange de ces viandes, pour ne pas aller à la guerre et pour rester à caresser sa femme, de lui verser dans cette fiole un verre de poix.

DIKÆOPOLIS

Remporte, remporte les viandes et ne me les donne pas, je ne verserais pas de la poix pour mille drakhmes. Mais quelle est cette femme?

LE PARANYMPHE

C'est la meneuse de la noce: elle demande à te parler de la part de la mariée, à toi seul.

DIKÆOPOLIS

Voyons, que dis-tu? Par les dieux! elle est plaisante la demande de la mariée! Elle désire que la partie essentielle du marié reste à la maison. Allons! qu'on apporte la trêve; je lui en donnerai à elle seule; elle est femme; elle ne doit pas souffrir de la guerre. Femme, approche; tends-moi la fiole. Sais-tu la manière de s'en servir? Dis à la mariée, quand on fera une levée de soldats, d'en frotter la nuit la partie essentielle de son mari. Qu'on remporte la trêve. Vite, la cruche au vin, pour que j'en verse dans les coupes!

LE CHŒUR

Mais voici un homme aux sourcils froncés: il se presse comme pour annoncer un malheur.

UN PREMIER MESSAGER

O fatigues, lames en bataille, Lamakhos!

LAMAKHOS

Quel bruit résonne autour de mes demeures étincelantes d'airain?

LE MESSAGER

Les stratèges t'ordonnent de prendre sur-le-champ tes cohortes et tes aigrettes, et d'aller garder la frontière, malgré la neige. Car on leur annonce qu'au moment de la fête des Coupes et des Marmites, des bandits bœotiens vont faire une invasion.

LAMAKHOS

O stratèges, plus nombreux qu'utiles! n'est-il pas dur pour moi de ne pouvoir être de la fête?

DIKÆOPOLIS

O armée polémolamaïque!

LAMAKHOS

Malheur à moi! Tu ris de mon infortune!

DIKÆOPOLIS

Veux-tu combattre contre un Géryôn à quatre ailes?

LAMAKHOS

Hélas! hélas! quelle nouvelle m'apporte ce second messager?

UN SECOND MESSAGER

Dikæopolis!

DIKÆOPOLIS

Qu'est-ce?

LE SECOND MESSAGER

Viens vite au banquet, et apporte ta corbeille et ta coupe. Le prêtre de Dionysos t'y invite. Mais hâte-toi, tu retardes le repas. Tout est prêt: lits, tables, coussins, tapis, couronnes, parfums, friandises, courtisanes, galettes, gâteaux, pains de sésame, tartes, belles danseuses, l'air bien-aimé de Harmodios. Ainsi, accours au plus vite.

LAMAKHOS

Infortuné que je suis!

DIKÆOPOLIS

C'est que tu as pris pour emblème cette grande Gorgôn. Fermez la porte, et qu'on apprête le repas.

LAMAKHOS

Esclave, esclave, apporte-moi ici mon sac.

DIKÆOPOLIS

Esclave, esclave, apporte-moi ici ma corbeille.

LAMAKHOS

Du sel mêlé de thym et des oignons.

DIKÆOPOLIS

Et à moi du poisson; les oignons me répugnent.

LAMAKHOS

Apporte-moi ici, esclave, une feuille de figuier, pleine de hachis rance.

DIKÆOPOLIS

Et à moi une feuille de figuier bien graissée, je la ferai cuire ici.

LAMAKHOS

Mets là les plumes de mon casque.

DIKÆOPOLIS

Mets là ces ramiers et ces grives.

LAMAKHOS

Belle et blanche est cette plume d'autruche.

DIKÆOPOLIS

Belle et dorée est cette chair de ramier.

LAMAKHOS

Hé! l'homme! cesse de rire de mes armes.

DIKÆOPOLIS

Hé! l'homme! veux-tu bien ne pas guigner mes grives!

LAMAKHOS

Apporte l'étui de mes trois aigrettes.

DIKÆOPOLIS

Et à moi le civet de lièvre.

LAMAKHOS

Mais les mites n'ont-elles pas mangé les aigrettes?

DIKÆOPOLIS

Mais ne vais-je pas manger du civet avant le dîner?

LAMAKHOS

Hé! l'homme! veux-tu bien ne pas me parler?

DIKÆOPOLIS

Je ne te parle pas; moi et mon esclave, nous sommes en discussion. Veux-tu gager et nous en rapporter à Lamakhos? Les sauterelles sont-elles plus délicates que les grives?

LAMAKHOS

Je crois que tu fais l'insolent.

DIKÆOPOLIS

Il donne la préférence aux sauterelles.

LAMAKHOS

Esclave, esclave, décroche ma lance, et apporte-la-moi ici.

DIKÆOPOLIS

Esclave, esclave, retire cette andouille du feu et apporte-la-moi ici.

LAMAKHOS

Voyons, je vais retirer ma lance du fourreau. Tiens ferme, esclave.

DIKÆOPOLIS

Et toi aussi, esclave, ne lâche pas.

LAMAKHOS

Approche, esclave, les supports de mon bouclier.

DIKÆOPOLIS

Apporte les pains, supports de mon estomac.

LAMAKHOS

Apporte ici l'orbe de mon bouclier à la Gorgôn.

DIKÆOPOLIS

Apporte ici l'orbe de ma tarte au fromage.

LAMAKHOS

N'y a-t-il pas là pour les hommes de quoi rire largement?

DIKÆOPOLIS

N'y a-t-il pas là pour les hommes de quoi savourer délicieusement?

LAMAKHOS

Verse de l'huile, esclave, sur le bouclier. J'y vois un vieillard qui va être accusé de lâcheté.

DIKÆOPOLIS

Verse du miel, esclave, sur la tarte. J'y vois un vieillard qui fait pleurer de rage Lamakhos le Gorgonien.

LAMAKHOS

Apporte ici, esclave, ma cuirasse de combat.

DIKÆOPOLIS

Apporte ici, esclave, ma cuirasse de table, ma coupe.

LAMAKHOS

Avec cela, je tiendrai tête aux ennemis.

DIKÆOPOLIS

Avec cela, je tiendrai tête aux buveurs.

LAMAKHOS

Esclave, maintiens les couvertures du bouclier.

DIKÆOPOLIS

Esclave, maintiens les plats de la corbeille.

LAMAKHOS

Moi, je vais prendre et porter moi-même mon sac de campagne.

DIKÆOPOLIS

Moi, je vais prendre mon manteau pour sortir.

LAMAKHOS

Prends ce bouclier, esclave, emporte-le, et en route! Il neige. Babæax! C'est une campagne d'hiver.

DIKÆOPOLIS

Prends le dîner: c'est une campagne de buveurs.

LE CHŒUR

Mettez-vous de bon cœur en campagne. Mais quelles routes différentes ils suivent tous les deux! L'un boira, couronné de fleurs, et toi, transi de froid, tu monteras la garde. Celui-là va coucher avec une jolie fille et se faire frictionner je ne sais quoi.

PREMIER DEMI-CHŒUR

Puisse Antimakhos, fils de Psakas, historien et poète, être tout simplement confondu par Zeus, lui qui, khorège aux Lénæa, m'a renvoyé tristement sans souper! Puissé-je le voir guetter une sépia qui, cuite, croustillante, salée, est servie sur table; et qu'au moment de la prendre, elle lui soit enlevée par un chien, qui s'enfuit!

SECOND DEMI-CHŒUR

Que ce soit là pour lui un premier malheur; puis, qu'il lui arrive une autre aventure nocturne! Que revenant fiévreux chez lui des manœuvres de cavalerie, il rencontre Orestès ivre, qui lui casse la tête, pris d'un accès de fureur, et que, voulant ramasser une pierre, durant la nuit, il saisisse à pleine main un étron encore tout chaud; qu'il lance ce genre de pierre, manque son coup, et frappe Kratinos!

Serviteurs de la maison de Lamakhos, vite de l'eau! Faites chauffer de l'eau dans une petite marmite, préparez des linges, du cérat, de la laine grasse et des tampons de charpie pour la cheville. Notre maître s'est blessé à un pieu, en sautant un fossé; il s'est déboîté et luxé la cheville, s'est brisé la tête contre une pierre et a fait jaillir la Gorgôn hors du bouclier. La grande plume du hâbleur gisant au milieu des pierres, il a fait retentir ce chant terrible: «O astre radieux, je te vois aujourd'hui pour la dernière fois; la lumière m'abandonne; c'est fait de moi! » A ces mots, il tombe dans un bourbier, se relève, rencontre des fuyards, poursuit les brigands et les presse de sa lance. Mais le voici lui-même. Ouvre la porte.

LAMAKHOS

Oh! là, là! Oh! là, là! Horribles souffrances, je suis glacé. Malheureux, je suis perdu; une lance ennemie m'a frappé! Mais ce qu'il y aurait pour moi de plus cruel, c'est que Dikæopolis me vît blessé, et me rît au nez de mes infortunes.

DIKÆOPOLIS, entrant avec deux courtisanes

Oh! là, là! Oh! là, là! quelles gorges! C'est ferme comme des coings! Baisez-moi tendrement, mes trésors; vos bras autour de mon cou; vos lèvres sur les miennes! Car j'ai le premier vidé ma coupe.

LAMAKHOS

Cruel concours de malheurs! Hélas! hélas! quelles blessures cuisantes!

DIKÆOPOLIS

Hé! hé! salut, cavalier Lamakhos!

LAMAKHOS

Malheureux que je suis!

DIKÆOPOLIS

Infortuné que je suis!

LAMAKHOS

Pourquoi m'embrasses-tu?

DIKÆOPOLIS

Pourquoi me mords-tu?

LAMAKHOS

Quel malheur pour moi d'avoir payé ce rude écot!

DIKÆOPOLIS

Est-ce qu'il y avait un écot à payer à la fête des Coupes?

LAMAKHOS

Ah! ah! Pæan! Pæan!

DIKÆOPOLIS

Mais il n'y a pas aujourd'hui de Pæania.

LAMAKHOS

Soulevez, soulevez ma jambe. Oh! oh! tenez-la, mes amis.

DIKÆOPOLIS

Et vous deux, prenez-moi juste la moitié du corps, mes amies.

LAMAKHOS

J'ai le vertige de ce coup de pierre à la tête. Je suis pris d'étourdissements.

DIKÆOPOLIS

Et moi je veux aller me coucher; je suis pris de redressements et d'éblouissements.

LAMAKHOS

Portez-moi au logis de Pittalos, entre ses mains médicales.

DIKÆOPOLIS

Portez-moi auprès des juges. Où est le roi du festin? Donnez-moi l'outre!

LAMAKHOS

Une lance m'a percé les os. Quelle douleur!

DIKÆOPOLIS, montrant l'outre

Voyez, elle est vide! Tènella! Tènella! Chantons victoire!

LE CHŒUR

Tènella! comme tu dis, bon vieillard, victoire!

DIKÆOPOLIS

J'ai rempli ma coupe d'un vin pur et je l'ai bue d'un trait.

LE CHŒUR

Tènella! donc, brave homme! Emporte l'outre!

DIKÆOPOLIS

Suivez, maintenant, en chantant: «Tènella! Victoire!»

LE CHŒUR

Oui, nous te ferons un cortège de fête, chantant: «Tènella! Victoire! » pour toi et pour l'outre!

FIN DES AKHARNIENS

LES CHEVALIERS

(L'AN 425 AVANT J.-C.)

Les Chevaliers sont dirigés contre le démagogue Cléon qui s'était mis à la tête des affaires après la mort de Périclès, et qui, à la suite de son succès de Sphactérie, était devenu l'idole du peuple, personnifié dans la pièce par le bonhomme Dèmos. Le vieillard, circonvenu à la fois par Cléon, transformé en corroyeur, et par le marchand d'andouilles Agoracritos, finit par voir clair dans leur jeu. Cléon est chassé. Agoracritos, faisant amende honorable, sert consciencieusement son maître qui recouvre la jeunesse et la raison.

PERSONNAGES DU DRAME

Dèmosthénès.

Nikias.

Un marchand d'andouilles nommé Agorakritos.

Kléôn.

Chœur de chevaliers.

Dèmos.

La scène se passe devant la maison de Dèmos.

LES CHEVALIERS

DÈMOSTHÉNÈS

Iattatæax! Que de malheurs! Iattatæ! Que ce Paphlagonien, cette nouvelle peste, avec ses projets, soit confondu par les dieux! Depuis qu'il s'est glissé dans la maison, il ne cesse de rouer de coups les serviteurs.

NIKIAS

Malheur, en effet, à ce prince de Paphlagoniens, avec ses calomnies!

DÈMOSTHÉNÈS

Pauvre malheureux, comment vas-tu?

NIKIAS

Mal, comme toi.

DÈMOSTHÉNÈS

Viens, approche, gémissons de concert sur le mode d'Olympos.

DÈMOSTHÉNÈS et NIKIAS

Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu.

DÈMOSTHÉNÈS

Pourquoi ces plaintes inutiles? Ne vaudrait-il pas mieux chercher quelque moyen de salut pour nous et ne pas pleurer davantage?

NIKIAS

Mais quel moyen? Dis-le-moi.

DÈMOSTHÉNÈS

Dis-le plutôt, afin qu'il n'y ait pas de dispute.

NIKIAS

Non, par Apollôn! pas moi. Allons, parle hardiment, puis je te dirai mon avis.

DÈMOSTHÉNÈS

Que ne me dis-tu plutôt ce qu'il faut que je dise?

NIKIAS

Ce courage barbare me manque. Comment m'exprimerais-je en grand style, en style euripidien?

DÈMOSTHÉNÈS

Non, non, pas à moi, pas à moi: ne me sers pas un bouquet de cerfeuil, mais trouve un chant de départ de chez notre maître.

NIKIAS

Eh bien, dis: «Échappons!» comme cela, tout d'un trait.

DÈMOSTHÉNÈS

Je le dis: «Échappons!»

NIKIAS

Ajoute ensuite le mot: «Nous», au mot: «Échappons».

DÈMOSTHÉNÈS

«Nous!»

NIKIAS

A merveille! A présent, comme procédant par légères secousses de la main, dis d'abord: «Échappons,» ensuite: «Nous,» puis: «A la hâte!»

DÈMOSTHÉNÈS

«Échappons, échappons-nous, échappons-nous à la hâte!»

NIKIAS

Hein! N'est-ce pas délicieux?

DÈMOSTHÉNÈS

Oui, par Zeus! Si ce n'est que j'ai peur que ce ne soit pour ma peau un mauvais présage.

NIKIAS

Pourquoi cela?

DÈMOSTHÉNÈS

Parce que les plus légères secousses de la main emportent la peau.

NIKIAS

Ce qu'il y aurait de souverain dans les circonstances présentes, ce serait d'aller tous les deux nous prosterner devant les statues de quelque dieu.

DÈMOSTHÉNÈS

Quelles statues? Est-ce que tu crois vraiment qu'il y a des dieux?

NIKIAS

Je le crois.

DÈMOSTHÉNÈS

D'après quel témoignage?

NIKIAS

Parce que je suis en haine aux dieux. N'est-ce pas juste?

DÈMOSTHÉNÈS

Tu me ranges de ton avis. Mais considérons autre chose. Veux-tu que j'expose l'affaire aux spectateurs?

NIKIAS

Ce ne serait pas mal. Seulement, prions-les de nous faire voir clairement, par leur air, s'ils se plaisent à nos paroles et à nos actions.

DÈMOSTHÉNÈS

Je commence donc. Nous avons un maître, d'humeur brutale, mangeur de fèves, atrabilaire, Dèmos le Pnykien, vieillard morose, un peu sourd. Au commencement de la noumènia, il a acheté un esclave, un corroyeur paphlagonien, coquin fieffé et grand calomniateur. Ce corroyeur paphlagonien, connaissant à fond le caractère du vieux, fait le chien couchant, flatte son maître, le caresse, le choie, le dupe avec des rognures de cuir et des mots comme ceux-ci: «Dèmos, il suffit d'avoir jugé une affaire: va au bain, mange, avale, dévore, reçois trois oboles: veux-tu que je te serve un souper?» Alors le Paphlagonien fait main-basse sur ce que l'un de nous a préparé et l'offre gracieusement à son maître. L'autre jour, je venais de pétrir à Pylos une galette lakonienne; par ses roueries et par ses détours il me la subtilise, et il sert comme de lui le mets de ma façon. Il nous éloigne et ne permet pas à un autre de soigner le maître; mais, armé d'une courroie, debout près de la table, il en écarte les orateurs. Il lui chante des oracles, et le bonhomme sibyllise. Puis, quand il le voit à l'état de brute, il met en œuvre son astuce; il lance effrontément mensonges et calomnies contre les gens de la maison; alors nous sommes fouettés, nous; et le Paphlagonien, courant après les esclaves, demande, menace, escroque en disant: «Voyez Hylas, comme je le fais fouetter; si vous ne m'obéissez pas, vous êtes morts aujourd'hui.» Nous donnons. Autrement, le vieux nous piétinerait et nous ferait chier huit fois davantage. Hâtons-nous donc, mon bon, de voir maintenant quelle voie à suivre et vers qui.

Назад Дальше