â On ne t'a jamais donné de fessée quand tu étais petite ? grogna Damon qui commençait à transpirer.
Il s'écarta de la jeune femme pour s'étendre sur le dos à côté d'elle.
â Tu aimerais bien, rétorqua Alicia d'un air renfrogné, qui se demandait comment il se faisait qu'il l'ait portée à travers toute la ville comme un homme de Neandertal, et qu'à présent il semblait sur le point de s'évanouir parce qu'elle l'avait frappé.
â Est-ce que tu te sens bien ? demanda-t-elle, soudain préoccupée, sans pour autant souhaiter se sentir coupable pour sa petite vengeance.
Damon ouvrit les yeux pour se retrouver nez à nez avec un stupide ourson en peluche. Il plissa ses yeux couleur d'améthyste en lisant le nom sur le collier qu'il portait... « Micah »... pitoyablement prévisible.
â Je suis simplement bien⦠et toi ? répondit-il en se hissant en position assise, curieux de savoir pourquoi il se compliquait la vie à se laisser impliquer dans des histoires humaines... surtout avec des humaines : ils n'apportaient que des tracas.
Se remettant debout, il se dirigea vers la porte avec l'espoir de ne pas avoir fait quelque chose d'aussi nul que de s'évanouir.
â Si tu essaies de quitter cette maison avant le retour de Michael, je vais te faire manger cet ours en peluche. »
Alicia fixa la porte d'un air assassin jusqu'Ã ce qu'il ait disparu, puis haussa un sourcil devant son ours en peluche innocent.
« D'accord, je sais bien ce que j'ai fait⦠mais toi, qu'as-tu fais pour le mettre en rogne ? »
Elle leva les yeux au ciel et tendit la main vers la lampe pour l'allumer. Damon s'était tellement hâté de la jeter sur le lit qu'ils n'avaient même pas pris le temps d'allumer la lumière. Elle allait s'emparer de l'ours en peluche quand elle se figea sur place, quelque chose attirant son attention sur le lit. Là où Damon était étendu quelques instants plus tôt, il y avait une trace de sang toute fraîche. Elle tendit la main vers la tâche et s'apprêtait à la toucher quand elle finit par la retirer.
Se levant du lit, Alicia sortit sur le balcon et s'avança vers les autres portes-fenêtres donnant sur la chambre de Damon. Ce qu'elle y vit alors lui déchira le cÅur.
Damon claqua la porte de sa chambre et déchira sa chemise noire avant de la jeter à travers la pièce. Plusieurs balles qui s'étaient retrouvées prises dans la chemise heurtèrent le sol et les murs pendant le processus. Son corps les avait systématiquement rejetées de sa chair en un effort pour se guérir lui-même. Il inspira profondément avant de baisser les yeux sur les parties perforées et sanglantes de son corps, saisi de dégoût et de douleur. C'était les balles qui continuaient d'être éjectées qui empêchaient ses blessures de se refermer.
Voyant qu'une balle était à demi fichée dans sa poitrine, il en extrada le reste. Il s'agrippa à la colonne du lit si fort de son autre main que le bois commença à se fendiller et à craquer. S'il n'avait pas bu le sang de ce loup-garou un peu plus tôt, il serait déjà à genoux en train de hurler au meurtre à cette heure. En fait, il ne serait peut-être même pas sorti de cette demeure.
Le sang d'un être surnaturel possédait bien plus de force et d'énergie qu'un sang humain, mais il était évident que s'il voulait guérir plus vite, il lui faudrait trouver bien plus de sang. Personne ne l'avait jamais reconnu pour sa patience.
Avec un grognement, Damon laissa glisser d'entre ses doigts la balle qu'il venait de retirer et se dirigea vers le placard pour en sortir une autre chemise. Tout ce qu'il y trouva fut quelques chandails⦠il en retira un de couleur noire de son cintre et l'enfila avant de se diriger vers les portes du balcon.
Alicia avait mis sa main sur sa bouche, pour éviter au cri qui montait en elle de jaillir, quand elle découvrit toutes les blessures sur la poitrine de Damon. Certaines de ses blessures par balle continuaient de saigner et d'autres sortaient de sa chair toutes seules. Pas étonnant qu'il ait grimacé de douleur quand elle l'avait frappé. Elle sentit un éclair de douleur traverser sa propre poitrine. Comment avait-elle pu se montrer si cruelle ?
Elle commença d'ouvrir la porte mais se figea lorsque Damon se retourna et sortit un pull du placard avant de l'enfiler sans cérémonie. Elle eut vraiment envie de pleurer quand elle aperçut son dos ensanglanté, qui était en bien plus piteux état que son torse. Combien de fois l'avait-elle frappé sur le dos avant qu'ils n'arrivent jusqu'à sa chambre ? Alicia sentit ses genoux se dérober sous elle à cette pensée.
Quand il s'approcha des portes-fenêtres, elle glissa rapidement sur le côté et pivota, s'adossant au mur de briques entre les deux portes vitrées. Portant la main à sa propre poitrine qui, elle, ne portait aucune blessure, elle retint son souffle et pria pour qu'il ne sorte pas sur le balcon pour la surprendre à l'espionner.
Elle passa de la panique à la souffrance... puis à la colère et à la confusion. Damon lui avait menti au manoir du loup-garou⦠tout ce sang n'avait jamais été que le sien. Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Pourquoi la protégerait-il pour ensuite ne pas lui dire qu'il était blessé ? Il aurait pu se faire tuer... et dans quel but ? Pour la sauver ?
Alicia écarquilla les yeux lorsque les portes du balcon s'ouvrirent tout à coup, et Damon bondit sur la rambarde massive de la terrasse qui donnait sur la rue en bas. Il s'y tint en équilibre mais, avant de prendre la tangente, il sentit sa présence derrière lui. Il pouvait percevoir toutes ces émotions émanant de l'aura de la jeune femme et poussa un soupir... il se sentait fatigué, blessé et guère désireux de se battre avec elle cette nuit.
« Michael a effacé leurs souvenirs concernant ta présence au domaine cette nuit. Si tu retournes voir Micah avant qu'ils ne t'aient appelée... tu vas détruire tout ce qu'il a fait pour t'aider. Si tu ne restes pas ici pour moi⦠fais-le au moins pour Michael. »
Sur ces mots, Damon se laissa tomber du balcon et atterrit sur la pelouse en-dessous.
Alicia laissa échapper un hoquet de stupeur et se rua vers la rampe de pierre, baissant les yeux sur sa silhouette qui se laissait chuter au hasard sur la terre ferme. Elle écarquilla les yeux puis s'agrippa à la rambarde en réalisant soudain que ce saut à l'aveuglette de Damon ne l'était pas autant qu'elle le pensait. Il tendit les bras, ce qui laissait penser qu'il attirait à lui les ténèbres environnantes, s'en revêtant comme d'une cape... puis il disparut avant de toucher le sol.
Alicia le chercha dans la pénombre, prête à saisir le moment où elle le distinguerait, mais il n'y avait plus rien à voir... pas même un bruit de pas. Elle se sentait désolée pour lui et pour la douleur qu'il s'était infligée en son nom, ce soir.
Elle referma ses bras autour de son corps, se sentant soudain plus seule que ce qu'elle avait prévu et regrettant désespérément son départ. Elle ressentait le besoin de lui dire à quel point elle était désolée... elle voulait le remercier et le frapper fort encore pour ne pas lui avoir parlé de ses blessures. Où allait-il ainsi ? Que faisaient les vampires lorsqu'ils étaient blessés ?
Il désirait qu'elle reste et fasse ce que Michael lui avait demandé. Avec un soupir, elle décida d'obéir pour une fois... mais elle ne le ferait pas pour Michael.
Il désirait qu'elle reste et fasse ce que Michael lui avait demandé. Avec un soupir, elle décida d'obéir pour une fois... mais elle ne le ferait pas pour Michael.
En s'éloignant du balcon, Alicia retourna dans sa chambre et s'assit sur le lit. Elle fixa le téléphone quelques instants, se demandant ce qu'elle ferait s'il se mettait à sonner. Devrait-elle répondre ? Et si ce n'était pas Michael ? Et s'il s'agissait de Warren ou de Quinn appelant Michael et qu'elle décrochait ?
Damon avait raison... elle leur devait suffisamment à tous deux pour faire au moins l'effort de patienter jusqu'au matin avant de prendre la moindre décision ou de faire quelque chose qu'elle n'était pas censée faire. Elle se souvint du ton employé par Michael en ordonnant à Damon de la ramener chez eux. Personne n'avait souhaité sa présence ici cette nuit, excepté Damon, peut-être... autre raison pour laquelle elle était reconnaissante envers ce dernier.
Pour faire passer le temps, elle se leva et revêtit une chemise de nuit légère. Repoussant les couvertures sur le lit, elle s'allongea et essaya de dormir. Elle ne tarda pas à avoir chaud même en ayant laissé ouvertes les portes du balcon qui laissaient entrer la brise fraîche de la nuit. Pendant presque une heure entière, elle se tourna et se retourna dans le lit avant d'essuyer son front moite de transpiration de la main.
Sa peau était plus chaude qu'elle n'aurait dû l'être alors elle rejeta les couvertures en une nouvelle tentative pour se rafraîchir. Frustrée, elle arrangea les couvertures de façon à en faire un grand oreiller pour son corps puis roula sur le côté, avant de le serrer contre elle et de lever une jambe par-dessus. Elle commença à se frotter contre l'amas de couvertures, appréciant la sensation naissante entre ses cuisses, puis l'étreignit encore plus fort.
Alicia ouvrit soudain les yeux, reconnaissant dans ces sensations les symptômes d'un état bien particulier. Elle avait lu sur le sujet et même vue l'une de ses amies à l'école traverser cette phase.
« Non⦠murmura-t-elle, paniquant à cette simple pensée. Par pitié, faites que je ne sois pas en chaleur. »
*****
Damon se précipita dans les ténèbres, à travers la ville, se dirigeant vers les plus sombres cloaques à la recherche de quelque chose ou quelqu'un pour apaiser sa soif de meurtre. Il tenta de ne pas penser à Alicia mais il lui semblait qu'à chaque minute passée en sa compagnie, il l'avait de plus en plus dans la peau. Ce qu'il y avait de plus étrange là -dedans... c'était qu'il aimait qu'elle soit là .
Il avait construit toute sa vie autour d'un sentiment de détachement et d'indifférence totale pour tout... ou pour quelqu'un. Il s'était également enorgueilli de s'être fait une règle de prendre ce qu'il voulait. Il la voulait, elle, et aussi qu'elle cesse de tenter le diable. Quand il s'était laissé tomber du balcon, il avait prié secrètement qu'elle soit assez intelligente pour ne pas le suivre. Par chance, la jeune femme commençait à en connaître un rayon sur l'auto-préservation.
Il avait enfin atteint son but : une zone délabrée de Los Angeles. Damon resta caché dans l'ombre du trottoir, un sourire malicieux aux lèvres quand il vit passer devant lui les voitures de police et aussitôt se cacher tous les promeneurs nocturnes. Dès que les flics étaient hors de vue, la lie de la société sortait de sa cachette et retournait à ses occupations habituelles.
Damon se moqua de deux femmes légèrement vêtues et continua de marcher lorsqu'elles tentèrent de l'aguicher. Peut-être que quelques semaines plus tôt, il les aurait vaguement regardées, mais maintenant... il ne voulait rien avoir à faire avec le sexe opposé. La simple idée de boire à la gorge de l'une de ces créatures lui donnait une légère nausée.
Tournant à un angle de rue, Damon remarqua deux voyous devant lui, qui regardaient dans sa direction alors qu'il se rapprochait. Maintenant, c'était bien plus qu'il ne demandait.
« Comment ça va ? l'aborda l'un des deux hommes, d'une voix grave.
Il avait les mains enfoncées dans les poches de son manteau, se préparant à effectuer un trafic de drogues.
Lorsqu'il entrevit le regard sauvage de l'homme à qui il venait de parler, il décida de laisser tomber, s'imaginant que cet inconnu avait déjà acheté sa came ailleurs.
Damon ne répondit pas et continua à marcher. Il savait ce qui allait se passer et il avait déjà hâte que ça se produise. Ces deux types étaient probablement des rois dans cette rue, avec leurs muscles bombés et leurs yeux sombres. Lui parvint l'odeur du sang séché sur leurs vêtements et il vit sans peine les phalanges couturées habituelles chez les brutes. Ouais, ils étaient sûrement des légendes de leur propre point de vue.
â Eh, le héla le deuxième voyou, mon ami t'a posé une question.
â Et mon silence aurait dû lui faire comprendre que je ne suis pas d'humeur à répondre, l'avertit Damon avant de tourner la tête vers eux.
Il leur fit un sourire diabolique, ses crocs luisant dans la faible lumière des réverbères, et c'est alors qu'ils virent ses iris rouge sang.
â Toutefois, un dîner aux chandelles avec vous deux me paraît tentant. »
Damon fondit aussitôt sur ses cibles, s'emparant du premier pour le drainer de son sang en moins d'une minute. Il transpira sous la douleur quand de nouvelles balles se remirent très vite à sortir de son corps et à tomber au sol en un bruit clinquant et sonore. Rejetant la tête en arrière, il éclata de rire avant de lâcher le corps de sa victime, qui s'affala à ses pieds.
L'écho des pas du second homme occupé à détaler attira son attention et Damon courut après lui, se nimbant une fois encore de l'ombre de la nuit pour ne pas être visible. La douleur et l'adrénaline avaient atteint leur maximum.
Il rejoignit l'imposant loubard et le poursuivit quelques instants, savourant l'exquis parfum de terreur qu'il exhalait. Lorsque l'homme se mit à ralentir sa course, Damon se contenta de glousser du sein de l'ombre, ce qui eut pour effet de pousser le malheureux à accélérer son allure. Oui, c'était ça qu'il lui fallait... débarrasser le monde d'un ou de deux humains répugnants, tout en prenant le sang dont il avait besoin pour guérir.
Se lassant rapidement de la chasse, Damon rattrapa l'homme et l'attira dans une ruelle. Les efforts de sa proie pour lutter étaient vaillants pour ne pas dire plus, mais face à la puissance supérieure de Damon... l'issue était inévitable.
Finalement, la lutte de l'homme pour sa vie cessa, et Damon le laissa tomber sur le bitume crasseux. Pendant que ce dernier se débattait, de petits sachets de poudre blanche étaient tombés de ses poches, suivi d'un gros paquet de billets et d'un revolver. Damon s'agenouilla à côté du corps et, en utilisant un coin de la chemise du mort, nettoya son visage de la plus infime preuve avant de s'emparer de l'argent pour le ranger dans sa poche arrière, puis de partir.
En atteignant l'issue de la ruelle, Damon enfonça ses mains sans ses poches et se mit à longer le trottoir, comme oublieux de l'univers tout entier. Maintenant que son besoin de tuer et de se nourrir était en partie satisfait, il pouvait choisir sa prochaine victime avec un meilleur goût.