Gavin navait pas su que Lady Margaux serait là quand il avait accepté linvitation de lord Ashbury. Elle était plus sublime que dans ses souvenirs, avec ses cheveux débène, sa peau de porcelaine et ses yeux clairs. Pourtant, curieusement, elle semblait différente, plus sombre que la jeune fille spontanée quelle avait été quelques années auparavant, quand il lavait rencontrée au Prieuré dAlberfoyle. Cela semblait être une autre vie. Il ne pouvait prétendre avoir été rien de plus quune simple connaissance de Lady Margaux ou de ses sœurs lorsquelles avaient visité Alberfoyle. Il avait été complètement submergé par la présence des triplettes toutes ensemble.
Bien quil ait été élevé comme le fils dun lord écossais, il était plus mal à laise en la présence daristocratie maintenant quil détenait un titre. Les attentes seraient différentes. Il savait quil se montrait injuste envers les dames Ashbury. Elles navaient été que très gentilles envers lui. Cependant, il ne pouvait sempêcher de se sentir incompétent face à leur beauté et sophistication. Inconsciemment, il baissa les yeux ses simples manteau et culotte noirs. Il lui faudrait se rendre chez un tailleur. Non pas quil souhaitait être un dandy, mais il savait quun homme de sa position devait se présentait de manière respectable dune manière différente de celle dun médecin campagne, qui shabillait plus de manière pratique quélégante. Il ne sentait pas à sa place ici.
« À quand cela remonte-t-il, Monsieur le Baron ? »
Il leva les yeux et vit les sublimes yeux bleu-vert de Lady Margaux lobservant dun air interrogateur. Lord Vernon avait eu un choix à faire entre elle et Lady Béatrice. Elle lexaminait impatiemment. Il aurait dû prêter plus dattention à la conversation. Il avait été perdu dans ses pensées.
« Je vous demande pardon. À quand remonte quoi ? » demanda-t-il.
« À quand remonte laccident », répondit-elle, les yeux tristes.
« Trois mois », répliqua-t-il, rencontrant son regard.
« Cela ne fait pas longtemps », dit doucement Lady Margaux.
« Non », convint-t-il sombrement.
« Jimagine que mon neveu Easton et sa femme ont été déçus de vous perdre. Ils espéraient vivement que vous les joindriez à leur école de médecine », dit Lady Ashbury.
« Et moi donc. Je nai pas encore déterminé comment jallais pouvoir continuer à pratiquer la médecine désormais. »
« Peut-être pourriez-vous venir en aide aux jeunes filles ici de temps en temps », suggéra Lord Ashbury.
« Oui. Cela me plairait. Une fois que jaurai tout organisé. Pour le moment, jai été débordé par mon nouveau rôle de père », répondit Gavin.
« Je ne savais pas que votre frère avait dautres enfants vivants », dit Lady Ashbury, confuse.
« Non. Ce sont mes enfants », dit-il, légèrement amusé.
« Oh ? »
« Jai pris trois enfants dAlberfoyle sous ma tutelle. Ce sont les enfants dun gentleman. Métant énormément attaché à eux, jai décidé que je les adopterais. Le garçon faisait son apprentissage avec moi et est maintenant à lécole à Glasgow », expliqua Gavin.
« Seamus ? » demanda Margaux, reconnaissant lenfant dont il était question.
« Je pensais quils étaient devenus les pupilles de Loring ? » dit Lord Ashbury, réfléchissant à voix haute.
« Il les a aidés financièrement, mais ils ont décidé de rester à Alberfoyle. Jai soutenu Seamus tout le long de ses études de médecin », expliqua Gavin.
« Et le reste du temps, vous étiez ici », remarqua Margaux.
Il acquiesça. Je les voyais régulièrement quand jétais à Aberfoyle. Je leur ai demandé de venir lorsque jai découvert que je déménagerai ici. Jespère ne pas avoir commis une erreur », dit-il tristement.
« Une erreur ? » demanda Margaux.
« Je nai pas la moindre idée de comment être père. Je pense quils se sentent seuls. Seamus est à lécole. Les filles sont seules avec une nourrice. Jai mis une petite annonce, à la recherche dune gouvernante, mais nous navons eu que quelques candidates pour le moment. » Il observait un bout du mur au-dessus de sa tête, perdu dans ses pensées.
« Peut-être cela plairait-il aux filles de venir ici nous rendre une visite ? Ce nest pas à plus de trois kilomètres de chez vous », suggéra Lord Ashbury.
« Oui4. Cest une merveilleuse idée », rajouta Lady Ashbury. « Cela les divertira, et cela nous donnera lopportunité de rencontrer dautres jeunes filles. »
« Je serai heureuse de les recevoir pour une visite, » sourit Margaux.
Gavin soupira de soulagement.
« Je vous en suis très reconnaissant. Je pense que cela leur plairait énormément. » Il leur sourit. « Elles sont un peu perdues dans ce grand château vide. Tout comme moi. »
« Tout est encore très nouveau et différent. Tout sarrangera avec le temps », Margaux le rassura.
« Assez parlé de moi. Quen est-il de votre école ? » demanda Gavin au Lord Ashbury.
« Nous lavons ouverte peu après louverture de celle de Vernon. Nous ne prenons que des jeunes filles traversant une mauvaise période ou des jeunes filles ayant été exploitées », dit Lord Ashbury avec fierté.
« Qui nont pas forcément pour souhait dentrer dans un couvent. » Lady Ashbury toussa et échangea un regard avec sa fille.
Gavin était perplexe, mais ne posa pas de question.
Il ny avait pas de réponse polie possible à cela, il changea donc de sujet.
« Où passez-vous donc la majorité de votre temps, alors, si ce nest pas à Breconrae ? »
« Jétais souvent ici avant mon mariage. Mes parents préféraient vivre ici. Après mon mariage, nous avons passé de nombreuses années en France avant la guerre. Sinstaller ici ne semble que peu intéresser mon fils, nous avons donc décidé de convertir le douaire en un foyer pour les moins privilégiés. Tante Ida y vivait avec ma mère jusquà son décès », répondit Lord Ashbury.
Ils se tournèrent tous pour regarder Tante Ida, qui mâchait sa nourriture mais regardait dans le vide.
« Nous divisons notre temps entre nos autres résidences », expliqua Lady Ashbury. « Dordinaire nous sommes à Londres à cette époque. » Elle jeta un autre regard perçant dans la direction de Margaux.
« Vous navez pas besoin de rester ici pour moi. » Margaux sourit malicieusement à sa mère.
Lady Ashbury se leva, interrompant brutalement la conversation, signalant quelle se rendait dans le petit salon avec Margaux.
« Lord Craig, cela vous dérangerait-il si nous sautons le porto et nous joignons aux dames ? » demanda Lord Ashbury, sentant peut être quil aurait besoin dintervenir entre sa femme et sa fille.
« Pas du tout. Moi-même, je napprécie pas vraiment le porto », admit Gavin.
Margaux sourit intérieurement en rentrant dans le petit salon. Son père navait pas complètement soutenu sa décision de vivre seule, mais il ne lavait pas interdit non plus. Ils sinstallèrent confortablement, attendant que leur thé soit servi.
« Combien de temps comptez-vous séjourner ? » demanda Lord Craig.
« Cela dépend de Margaux, » répondit sa mère.
Lord Craig avait un air curieux et jeta un coup dœil vers elle avec ses yeux dun bleu perçant. Une boucle de ses cheveux sombres était tombée sur son front, et elle dût se tourner pour ne pas la remettre en place.
Lord Craig avait un air curieux et jeta un coup dœil vers elle avec ses yeux dun bleu perçant. Une boucle de ses cheveux sombres était tombée sur son front, et elle dût se tourner pour ne pas la remettre en place.
« Je ne compte pas partir. » Elle regarde ses parents, légèrement défiante. « Je ne sais pas comment vous le dire autrement, je ne retournerai pas à Londres. »
Sa mère resta silencieuse. Elle semblait retenir sa colère.
« Très chère, je comprends ce que vous ressentez, mais peut être quaprès un peu de temps loin de Londres vous reviendrez sur votre position », dit doucement son père.
Margaux secoua la tête. Son père soupira. Lord Craig remua dans son siège. Il souhaitait probablement être nimporte où sauf ici à ce moment.
Margaux avait enduré dêtre paradée devant des prétendants pendant des années, et navait jamais été intéressée par lun dentre eux ou ressenti la moindre connexion. Elle était souvent au centre des potins avec ses sœurs. Trois vraies triplettes françaises à lapparence exotique tendaient à avoir cet effet. Au début, les gens avaient eu pitié delle. La société avait présumé quelle pleurait sa relation avec Lord Vernon. Puis, la société étant capricieuse, il avait été décidé quelle avait des idées trop particulières et que sa langue était trop aiguisée. Certains avaient même pris lhabitude de surnommer les triplettes Feu, Vent et Glace. Margaux était, bien sûr, le dragon souffleur de feu.
Elle avait été terriblement triste à Londres, ne rentrant jamais dans les cases, seulement acceptée à cause de son nom et sa beauté. Elle avait décidé dabandonner sa recherche du grand amour. Il valait mieux être seule que ridiculisée.
« Sil vous plaît, Maman5. Acceptez mon choix. Retournez à Londres pour être avec Jolie », implora-t-elle.
Lady Beaujolais était une des triplettes à qui plaisait réellement la vie du ton, la haute société londonienne.
Sa mère secoua la tête et refusa de la regarder. Elle se leva brutalement.
« Pouvez-vous mexcuser ? », demanda Margaux. « Jai besoin dun peu dair frais, il semblerait. »
« Puis-je me joindre à vous ? » demanda Gavin, la surprenant, puis jeta un regard à son père qui acquiesça. Ils sortirent sur la terrasse, où le soleil commençait tout juste à se coucher.
« Je suis désolée, Lord Craig. Vous navez probablement pas envie de devoir entendre parler de ma situation. » Margaux sassit sur lun des bancs en pierre de la terrasse, surplombant le Firth au-delà de la vallée.
« Il ny a pas de quoi vous excuser », la rassura-t-il. « Jai passé la soirée à déverser mes problèmes sur vous. » Il appuya son coude contra la balustrade de la terrasse. Il était très masculin, se tenant là, détendu ; si différent des nombreux hommes prudes qui avaient courtisé Margaux à Londres. Elle était conscience de sa masculinité, et était désarçonnée par la sensation du regard quil posait sur elle.
« Pas du tout. » Elle leva le regard et lui sourit.
« Quest-ce qui vous dérange alors ? Sest-il passé quelque chose à Londres ? »
Il semblait inquiet, la regardant directement dans les yeux. Soudainement, tous ses problèmes semblaient ridicules. Elle réfléchit précautionneusement à ses prochains mots en tournant et virant, arrachant les pétales de la fleur quelle avait cueilli dans le rhododendron.
« Rien de particulier ne sest passé. Mais jen ai assez du marché du mariage. Je veux me faire un chez-moi ici, mais mes parents ne souhaitent pas que je devienne une vieille fille, Lord Craig. »
« Je suis sûr quils veulent seulement le meilleur pour vous, demoiselle », dit-il dun ton rassurant.
« Je suis en paix avec ma décision, mais ils ne le sont pas. » Elle arracha un autre pétale.
« Je suis sûre quavec le temps »
« Ils ne partiront pas tant que je naccepte pas de rentrer avec eux. » La tige navait plus de pétales, elle la jeta donc par-dessus la balustrade et retourna sasseoir.
« Ne vous laisseront-ils peut-être pas pour un peu de temps ? » suggéra-t-il.
Elle sourit. « Je les ai menacés dentrer dans un couvent, donc ils mont amenée ici, pensant que je changerais davis. Mais jadore lÉcosse. »
Il eut un petit rire. « Un couvent ? »
Elle acquiesça. Personne ne la prenait sérieusement. « Pourquoi pas ? » demanda-t-elle, sur la défensive.
« Jimagine quils pensent quun jour, vous aimeriez peut-être vous marier. »
« Travailler avec les filles ici me donne une raison dêtre louable », souligna-t-elle, dans un ton quelle espérait être raisonnable.
« Peut-être voudrez-vous même avoir des enfants », continua-t-il.
« Avez-vous déjà été à Londres, Lord Craig ? Pendant la Saison des bals ? » Elle leva les yeux vers lui, désirant lui faire comprendre.
« Je nai jamais fait partie de ce monde », répondit-il.
« Vous êtes chanceux. Je me suis jurée que je ne me marierai que par amour, et que je ne me conterais pas dun arrangement vide de sens. Lamour, celui que mes parents ont, est unique. Je veux un partenariat avec un respect mutuel. Cest une triste réalité dêtre élevée avec de telles attentes. »
« Bien que vous et moi nayons pas eu de bonnes expériences en amour, cela ne veut pas dire que tout sera mauvais », raisonna-t-il avec douceur. Cela semblait lui être destiné à lui autant quà elle.
« Lord Craig, je suis satisfaite seule. Je ne comprends pas pourquoi personne ne peut accepter ma décision. Ma valeur nest pas basée sur si je suis mariée. » Elle leva le menton avec défi.
« Bien sûr que non, demoiselle. »
« Pardonnez-moi. Je réalise que je suis chanceuse davoir un choix sur ce sujet. Je parle comme une enfant capricieuse. » Elle soupira. « Je ne devrai pas décharger mes problèmes sur vous. Merci de mavoir écoutée. » Elle fit la révérence et retourna à lintérieur de la maison.
1 En français dans le texte.
2 En français dans le texte.
3 En français dans le texte.
4 En français dans le texte.
5 En français dans le texte.
Chapitre Trois
Au petit-déjeuner, le lendemain, Gavin réfléchit au fait quil navait pas compté confesser sa situation à ses hôtes. Mais il sétait tenu là, à leur table élégante, discutant de la condition du domaine de son frère, et de sa décision de prendre sous sa tutelle les enfants Douglas et de les emmener vivre avec lui. Il avait été choqué du tour quavait pris la conversation, et de la décision de Lady Margaux de sisoler au domaine écossais de Lord Ashbury. Son aide avec les petites serait définitivement la bienvenue, mais elle semblait être faite pour la haute société chic. Serait-elle vraiment heureuse, vieille fille, vivant dans un domaine éloigné de tout en Écosse ? Il secoua la tête. Il ne savait que peu de choses sur les dames et leurs goûts. Peut-être avait-elle subi une autre déception après Lord Vernon. Elle semblait vouloir honnêtement se retirer de Londres. Lui-même, la haute société lattirait peu. Il avait une merveilleuse relation avec Lord et Lady Easton, mais il navait pas besoin de se mêler à la haute société pour cela. Il savait quils nétaient pas un exemple typique de ceux qui faisaient partie du beau monde.