Perdus Pour Toujours - Nuno Morais 5 стр.


« Oui, oui je peux accepter que cela soit réel, bien que je ne puisse limaginer, jen ai marre de devoir lui ouvrir les yeux, pauvre âne, jy pense mais ne dis rien cependant, si tel est le cas, cest à létranger. Au Portugal les choses sont différentes. Les personnes sont différentes. Le portugais de base est très indiscipliné et ne peut pas être laissé en liberté. Et ce même pour lui-même. »

Un véritable homme des cavernes. À seulement trente-neuf ans. Comment est-ce que je nai jamais pu men rendre compte ? Peut-être que je men étais rendu compte mais que je navais jamais eu le déplaisir de lécouter et de discuter du sujet avec lui. Cependant, ce nest pas à moi de le faire changer, et même si cela était possible. Je nai rien contre ceux qui aiment, allez savoir pourquoi, maintenir des simulacres de formes archaïques dans des relations professionnelles qui nont quant à elles plus rien darchaïques. Ce qui mattriste est que, de manière générale, ces formes de traitement nont rien à voir avec la préservation de la courtoisie dautres temps, elles sont plutôt utilisées pour marquer une position de domination sur les personnes avec lesquelles elles travaillent au quotidien, les collaborateurs, comme il est usage de dire.

Mais je divague, jai Gomez qui se tient devant moi et me regarde dun air ébahi, espérant que je lui réponde quelque chose, mais il me laisse sans voix. Je ne veux pas loffenser, car selon mes principes tout le monde a le droit dêtre comme il est, même imbécile, et au final il ne ma rien fait. Le mieux cest de lui dire, comme dhabitude, ce quil souhaite et de poursuivre.

« Je ne dis pas que vous avez tort, après tout votre connaissance du Portugal est incommensurablement plus grande que la mienne. Noubliez pas (et les personnes comme toi ne me laissent pas loublier) quici je suis un étranger (malgré avoir vécu là pratiquement toute ma vie) et que, par conséquent certaines choses sont hors de ma portée ; ce que je peux cependant réaffirmer est que le tutoiement par consentement mutuel ne ma jamais paru problématique, quelles quen soit les circonstances » Apaisé et satisfait que je lui reconnaisse des connaissances supérieures, il me fait un grand sourire et dit : « Heureusement que cela ne vous a pas causé de problème, mais si jétais vous jarrêterais » me conseille-t-il de manière paternelle. « Cela rend tout plus facile. Concernant le séminaire, cest Susana, qui sest occupée de ma réservation, voyez avec elle les détails, pour vous et votre petite, quelle puisse modifier les billets. »

Il se lève en saidant de mon bureau, et après avoir sournoisement observer mes papiers sur le plateau. Il se dirige, ensuite, vers la porte, et remonte son pantalon au niveau des jambes, prisonnier de ses cuisses dodues qui sentrechoquent à chacun de ses pas. « Non, non, ce nest pas nécessaire, » lui dis-je avec précipitation. « Gabriela va soccuper de cela, ce nest pas la peine de déranger Susana. Je vais lui en parler tout de suite. » Avant quil ne puisse dire quoi que ce soit, jappuie sur le bouton de linterphone : « Gabi, tu veux bien aller voir Susana sil te plaît, et lui demander toutes les informations concernant une réservation pour Funchal quelle a faite, et nous en parlons plus tard. Merci. »

Au moins je suis sûr de ne pas avoir des billets en classe éco ni une réservation dans un hôtel deux étoiles du côté plus bas dune colline quelconque. En fin de compte, cest toujours le cabinet qui paye et pour Gomez, moins de dépenses pour les autres signifie plus de sous pour ses dépenses et dans ses poches. Ce nest pas difficile de lire sur son visage que cétait pour cette raison quil voulait que ce soit Susana qui soccupe de cela. Malheureusement pour lui je connaissais déjà cette facette de sa personnalité. Bien que, pour lui il aime le luxe, cet homme est dune radinerie légendaire avec tous les autres. Voyant alors quil na aucun moyen de reprendre le contrôle, il me fait un petit signe de la main et sort de mon bureau, les chaussettes à damiers lui tombant sur les mollets et le pantalon remonté sur ses cuisses imposantes.

Je reviens au fax de Neil, je vois quil nest pas compliqué et prends note mentalement de lui répondre aujourdhui. Je me penche, en suivant, sur lautre qui a lair dêtre véritablement un premier contact, au sujet dune succession on dirait. Cependant, il est adressé à mon père Gabriela na pas dû faire attention et fait référence à une lettre que je nai jamais reçu ainsi quà un nom qui me rappelle des souvenirs lointains, mais comme cela na pas lair urgent, je la mets sur la pile de choses que je dois faire et retourne moccuper de ce que jétais en train décrire avant que Gomez nentre dans mon bureau.

Contrairement à ce que je pensais, comme je nai pas eu dappel téléphonique et que personne ne ma interrompu, je réussis à expédier la réponse au fax de vendredi avant onze heures et demie. Gabriela vient alors toquer à la porte pour me dire que cest lheure, mais je suis déjà en train de mettre mon manteau. Elle me passe mon sac en toile lorsque nous nous croisons dans le couloir et je sors rapidement par le hall. Lorsque je vois que lascenseur est au rez-de-chaussée, je me décide à prendre les escaliers, et descends les marches quatre par quatre, attirant lattention de João, lagent de sécurité qui, lui, monte. « Eh bien, tu es pressé aujourdhui. Cest toi qui donnes le cours ? » Me lance-t-il den haut après sêtre agrippé à la rampe pour ne pas tomber. Je lui réponds que oui, lui dis à plus tard, et continue à descendre sans marrêter.

Je sors dans la rue en courant, je tourne à gauche en direction du Chiado et après avoir tourné à droite au coin de la librairie Soares da Costa, je remonte la rue jusquen haut et entre dans le troisième immeuble à droite. Je monte au deuxième étage où se trouve le dojo dAïkido dans lequel je mentraîne depuis plus de dix ans. Jouvre la porte avec la clé et laisse rentrer les personnes qui étaient déjà en train dattendre. Je cours dans les vestiaires, et change alors, les vêtements du bureau pour le keikogi. Je passe alors les soixante minutes suivantes à transpirer et à faire transpirer les dix autres enthousiastes pas mal pour un lundi qui ont choisi demployer lheure du déjeuner à perdre des calories plutôt quà en accumuler. Le maître Takeda est au Japon pour un séminaire et le maître-adjoint nous a demandé, à moi ainsi quà un autre gradé, si nous pouvions laider lors de quelques entrainements à lheure du déjeuner. Toutefois, je vais devoir leur dire que je ne peux pas venir ni le mercredi ni le vendredi. Cest dommage, jaime bien ces entrainements en milieu de journée, car ils coupent la routine des horaires de bureau et même si ce nest que deux jours, je sais que je vais en ressentir le manque.

Après avoir terminé lentrainement, je retourne dans les vestiaires, jenlève le keikogi, ouvre le casier où se trouvent mes affaires de bain et saute sous la douche. Je me lave presque à leau froide et en me dépêchant, me sèche avec une grande serviette que je laisse toujours pendre sur le séchoir puis me mets une nouvelle dose de déodorant sous les bras et deux pschitt de parfum sur le torse.

Je remets ensuite mon uniforme davocat et sors avec le dernier de mes équipiers. Il me parle avec engouement de la trilogie Matrix, quils trouvent être les meilleurs films jamais réalisés, et décrit avec détails les bonus inclus dans une énième édition spéciale de la série destinée aux collectionneurs, qui vient juste de sortir quinze ans et le sens critique dun nouveau-né.

Après avoir terminé lentrainement, je retourne dans les vestiaires, jenlève le keikogi, ouvre le casier où se trouvent mes affaires de bain et saute sous la douche. Je me lave presque à leau froide et en me dépêchant, me sèche avec une grande serviette que je laisse toujours pendre sur le séchoir puis me mets une nouvelle dose de déodorant sous les bras et deux pschitt de parfum sur le torse.

Je remets ensuite mon uniforme davocat et sors avec le dernier de mes équipiers. Il me parle avec engouement de la trilogie Matrix, quils trouvent être les meilleurs films jamais réalisés, et décrit avec détails les bonus inclus dans une énième édition spéciale de la série destinée aux collectionneurs, qui vient juste de sortir quinze ans et le sens critique dun nouveau-né.

Je me décide à ne pas le contredire, il y a des choses que nous devons découvrir par nous-même.

Nous nous séparons dans la rue Garrett, et partons, lui en haut, et moi en bas, en direction du centre commercial. Je monte jusquau dernier étage et achète un déjeuner léger composé dune soupe, dun steak grillé avec du riz, dun fruit et dun verre de lait. Je mange seul, sans précipitation, assis sur une table de lespace commun à tous les restaurants, pendant que je pense aux choses que je vais devoir faire cet après-midi. Quand je finis, je descends les escaliers et sors à nouveau dans la rue en direction du bureau. Jy arrive un peu avant quatorze heures. À part la radio de Gabriela, branchée comme toujours sur la Voxx, on entend aucun autre bruit, je crois quaujourdhui tout le monde est allé déjeuner à la même heure. Cest mieux ainsi. Je massieds à mon bureau et attrape le deuxième et le troisième fax de vendredi que jexpédie en moins dune heure. Jinscris mon temps de travail pour ce matin sur ma feuille dheure puis je retourne sur le fax de Neil Allard. Comme je lespérais, cela ne me prend pas trop de temps. Je pense aussi à mentionner dans ma réponse que je me rends à Funchal, où, même si je ne lui dis pas, je pense quil sera avec certitude. Je prends aussi note du temps passé au nom de Neil pour lajouter à dautres tâches déjà effectuées pour le même client. Comme je nai rien de plus urgent à traiter, jen profite pour passer en revue le courrier que Gabriela ma apporté ce matin. Une notification de lOrdre des Avocats, accompagnée dun énorme prospectus, imprimé en couleurs et avec de nombreuses photographies, pour un séminaire qui me paraît aussi cher quennuyant, sur un sujet dont je nai jamais entendu parler. Je crois que ça ne mintéresse pas et place donc la lettre et le prospectus dans le classeur tubulaire qui se trouve au sol à ma droite. Deux avis du tribunal avec des convocations aux audiences de deux procès en cours. Une carte postale de ma cousine Filipa qui est en Australie afin de conclure son diplôme en Biologie Maritime et qui est partie en vacances en Tasmanie ; ça a lair intéressant, peut-être quun jour jirai y faire un tour. Deux relevés de compte de cartes de crédit, à zéro. Je me demande pourquoi se donnent-ils encore la peine de les envoyer. Une enveloppe C5 grisâtre en provenance de Suisse et adressée à Herr Dr. Nebuloni. Qui est-ce que je connais en Suisse qui pourrait menvoyer une si grosse enveloppe ? Un certain G. Beauchamp à en juger le nom de lexpéditeur, mais cela ne me dit absolument rien.

Jouvre lenveloppe et en sors un paquet de feuilles pliées en deux. Je les déplie et vois que ce sont principalement des photocopies de documents. La majeure partie sont rédigés dans des langues que je ne connais pas, bien quune semble être du russe ou quelque chose comme ça, et trois autres étant pour sûr en portugais. Deux actes de naissance, un datant de 1999 et un autre de 2001, de deux enfants, une fille qui sappelle Olga et un garçon sans prénom sur lacte et enregistré avec le nom de sa mère ainsi quun numéro de série Vanbane10D2001, dont la venue au monde a eu lieu à Luanda, à lHôpital Particular. La troisième photocopie en portugais est ce qui me semble être en premier lieu une étiquette de bagage, mais je me rends vite compte quil sagit dun bracelet didentification hospitalière de nouveau-né à en juger par la taille. Il y a imprimé dessus « Hôpital Privée de Belém » en majuscules et le nom « Arantes (Walmisson) » qui parait être écrit au stylo. En bas il y a encore une date, « 15.Jan.02 » ainsi quune série de numéros et de lettres « SxMClOKDlv:0203 ». Avec un nom pareil, ce Belém doit, cest certain, se trouver au Brésil. Mais pourquoi menvoie-t-on cela ? Et pourquoi les photocopies sont-elles froissées et sales. Il sagit de quelque chose de rouge, de leau rouillée ? Il ne pouvait pas en tirer dautres ? Je pose les feuilles et prends la lettre qui laccompagne.

« Sehr Geherte Ric, » Une partie du mystère est résolue au moins. La lettre est adressée à mon père ; mais qui en lappelant Ric, ne saurait pas encore quil est décédé ? Je pensais avoir prévenu tout le monde. Est-ce une vieille lettre ? Non, elle est datée de mercredi dernier. Avec attention, je tente de déchiffrer lécriture minuscule de ce fameux Gerhard Beauchamp, qui a lair davoir écrit sa lettre à lencre et avec une plume de canard dont la pointe était mal taillée. « Je te demande pardon pour cette longue absence, mais comme tu le sais déjà si Lentz ta croisé avant de retourner au Brésil, jai été à lhôpital tout ce temps-là. Celui qui a essayé de me mettre hors service, qui que ce soit, na pas été totalement incompétent. Je ne me rappelle plus de rien. Daprès ce quon ma dit, je suis resté dans le coma pendant près dun mois et suis occasionnellement conscient depuis. Il ny a que depuis trois semaines que je suis complètement réveillé et que je me rappelle où javais caché les photocopies que je tenvoie ci-jointes. Elles sont un peu froissées et sales (cest mon sang) mais je ne voulais pas en faire des nouvelles puisque ça aurait rendu les documents incompréhensibles. Jespère quelles peuvent encore servir à quelque chose. Téléphone-moi si tu as besoin car ton numéro nest plus attribué. À bientôt. Ton Ger. »

Mais quelle lettre bizarre. Je regarde à nouveau les photocopies et je vois quelles ont toutes plus ou moins lair dêtre des documents officiels, aucune dentre elles na plus de cinq ans à en juger par ce qui ressemble à des dates. Ce sont vraisemblablement des actes de naissance, peut-être que ceux des enfants angolais ont servi dexemple. Je nai pas la moindre idée de ce que mon père aurait pu avoir à faire avec des histoires comme celle-ci. Et ce nest cependant pas aujourdhui que je vais en savoir plus, la lettre ne donne aucun numéro de téléphone et jai encore beaucoup trop à faire pour perdre du temps à demander à la PT quil me donne le numéro correspondant à ladresse. Demain, peut-être.

Je me lance sur la pile daffaires que je dois traiter, lorsque je vois une brochure du séminaire à Funchal que Gomez ma laissé sur le bureau sans que je ne men rende compte. Cela me rappelle que je dois en parler à Gabriela, par téléphone je lui demande quelle réserve deux places dans un vol pour demain après-midi, une chambre avec deux lits et vue sur la baie à un étage supérieur du Pearl Bay. Lhôtel est un peu loin du lieu du séminaire, mais de ce que je me rappelle de ma dernière visite là-bas, il sera très bien pour Becca.

Je reviens aux dossiers en cours, et jexpédie en deux temps trois mouvements trois choses que javais laissé en suspens il y a quelques jours, peut-être à la recherche du bon moment. Je passe en revue le reste des choses à faire et relis le fax suisse avec cette fois un peu plus dattention. Il provient dun certain Guido Creutzer, avocat, qui dit à mon père quil a reçu un paquet qui lui était destiné provenant dun homme nommé Konrad Lentz, décédé. Il demande à mon père de le contacter afin de convenir des détails denvoi. Deux courriers pour mon père dans la même journée, et tous deux provenant de Suisse. Ma mémoire menvoie un signal et je reprends la lettre de Beauchamp. Elle aussi parle dun Lentz, serait-ce le même ? Subitement, je me rappelle des noms que jai entendu ce matin sur Euronews. Quinze heures vingt-neuf, il doit y avoir un bulletin dinformations à quinze heures trente et peut-être quils vont reparler de cette affaire

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