Absolution Providentielle - Pamela Fagan Hutchins 2 стр.


- Une Amstel Light.

Nick passa la commande. Le barman tendit deux verres de bières perlés de condensation à Nick, puis secoua leau de ses mains. Nick me tendit le mien que jenroulai dans une serviette en papier, alignant les bords avec la précision militaire que jadorais. Nick fredonnait « Honky-tonk Women », sa tête oscillant dun côté à lautre.

- Je crois que je te préfère à Shreveport quà Dallas, lui dis-je.

- Merci pour le compliment. Et jaime te voir heureuse. Je suppose que ça a été une année difficile pour toi, la perte de tes parents et tout ça. À ton sourire, dit-il en brandissant sa bière vers moi.

Le toast me pris par surprise. Il avait raison pour la partie difficile, surtout au sujet de mes parent. Je trinquai avec lui mais sans pouvoir soutenir son regard.

- Merci, Nick, vraiment.

- Tu veux faire un billard ? demanda-t-il.

- Pourquoi pas.

Jétais étourdie, comme une fille de seconde sortant avec le gars populaire de terminale. Nous aimions tous les deux la musique, alors nous discutâmes des genres, des groupes (son ancien groupe, Stingray, et les « vrais » groupes), mon sujet détude en classe de musique à Baylor et du LSD, alias la maladie du chanteur. Autour dun tonneau de bières, nous échangeâmes des histoires sur le lycée, et il me raconta quil avait une fois sauvé un fou blessé.

- Un fou blessé ? Demandais-je. Sociopathe ou psychopathe ? Boule de huit dans le coin. Je la coulai.

Il récupéra les boules et les plaça dans le triangle pendant que jenfonçais le bout de ma queue dans la craie bleue et que je soufflais lexcédent.

- Tu es tellement terre à terre. Un fou est un oiseau, Katie.

Je fis tourner son utilisation de mon vrai nom dans mon cerveau, en appréciant la sensation.

- Je surfais, et jai trouvé un fou de bassan qui ne pouvait pas voler. Je lai ramené à la maison et jen ai pris soin jusquà ce que je puisse le relâcher.

- Oh, mon Dieu ! Est-ce quil sentait mauvais ? Il ta donné des coups de bec ? Je parie que ta mère était ravie ! Je parlais vite, avec des points dexclamation interminables. Embarrassant. Jétais une fille de la vallée sous acide, comme Oh Mon Dieu.

- Il était en état de choc, donc il était calme, mais il devenait plus énergique chaque jour. Javais quatorze ans, et ma mère était contente que je ne sois pas dans ma chambre à feuilleter des magazines porno, donc ça ne la dérangeait pas. Cest vrai quaprès quelques jours, il sentait vraiment mauvais.

Je cassai. Les boules claquèrent et ricochèrent dans toutes les directions, et une boule rayée tomba dans un trou latéral.

- Rayées, annonçais-je. Alors, ta mère ta déjà surpris avec des revues porno, hein ?

- Hum, je nai pas dit ça... dit-il, et il sarrêta en bégayant.

Jétais plus amoureuse que jamais.

« Damn, I Wish I Was Your Lover » passait en fond sonore. Je navais pas entendu cette chanson depuis des années. Ça me fit réfléchir. Pendant des mois, javais lutté contre lenvie de passer mes bras autour du cou de Nick et de mordiller sa nuque, mais je savais que la plupart des gens considéreraient cela comme inapproprié au travail. Plutôt étroit desprit de leur part, si vous voulez mon avis. Je regardais le grand balcon à lextérieur du bar et je pensai que si je pouvais juste manœuvrer Nick dans cette direction, peut-être que je pourrais faire en sorte que ça arrive.

Mes chances semblaient bonnes jusquà ce quun de nos collègues nentre dans le bar. Tim était un conseiller juridique de la société. « Conseiller » signifiait quil était trop vieux pour être appelé un associé, mais il nétait pas un faiseur de pluie. En plus, il portait son pantalon remonté à la taille et trop court de cinq centimètres. Le cabinet nen ferait jamais un associé. Nick accrocha son regard au mien. Jusquà présent, nous avions été deux radios à ondes courtes sur le même canal, le signal crépitant entre nous. Mais maintenant, le cadran était devenu statique et ses yeux sassombrirent. Il se raidit et séloigna subtilement de moi.

Il appela Tim.

- Hé, Tim, par ici.

Tim nous fit un signe de la main et traversa le bar enfumé. Tout bougeait au ralenti alors quil sapprochait, un pas après lautre. Ses pieds résonnaient dans ma tête en touchant le sol, non non non Ou peut-être que je le disais à haute voix. Je naurai pu laffirmer, mais ça ne faisait aucune différence.

- Hé, Tim, cest génial. Prends une bière, viens faire un billard.

Oh, sil te plaît, dis-moi que Nick ne vient pas juste dinviter Tim à se joindre à nous.

Il aurait pu lui donner un petit « Hé, comment ça va, passe une bonne nuit, jallais partir », ou nimporte quoi dautre dailleurs, mais non, il avait demandé à Tim de jouer avec nous.

Tim et Nick me regardèrent pour confirmation.

Jeus une pensée fugace dans laquelle jenvoyais un coup de pied latéral parfait dans lintestin de Tim et quil se roulait par terre avec des haut-le-cœur. À quoi servaient les treize années de cours de karaté que mon père mavait forcé à prendre si je ne pouvais pas les utiliser dans des moments comme celui-ci ? « Chaque femme devrait être capable de se défendre, Katie », disait papa en me déposant au dojo.

Ce nétait peut-être pas techniquement un moment dautodéfense physique, mais larrivée de Tim avait anéanti mes espoirs de morsure de cou, et de tout ce qui aurait pu suivre. Nétait-ce pas une raison suffisante ?

Je rejetai cette pensée.

- En fait, Tim, pourquoi tu ne me remplaces pas ? Jai passé toute la semaine au tribunal, et je suis épuisée. Nous commençons tôt demain. Cest le dernier jour de notre congé, la grande finale pour léquipe de Hailey & Hart. Je tendis ma queue de billard à Tim.

Tim pensa que cétait une bonne idée. Il était clair que les femmes lui faisaient peur. Si javais espéré un argument de la part de Nick, rien ne vint. Il était retourné à son numéro de « Katie qui ? » en dehors du travail.

Tout ce quil me dit fut un « Bonne nuit », sans Helen ni Katie.

Jattrapai une autre Amstel Light au bar avant de retourner dans ma chambre.

Chapitre 2

LEldorado, Shreveport, Louisiane

Le 14 mars 2012

Quinze minutes plus tard, javais extirpé une bouteille de vin du mini-bar. Je maccrochai à mon iPhone avec lintention denvoyer un message. Envoyer des textos en état débriété nest jamais une bonne idée. Jaurais aimé quun flic soit là pour me menotter, ça maurait évité la suite.

A Nick :

- Tu mas largué pour Tim. Je suis toute seule. Jaurai aussi bien pu ajouter, « Avec amour, une fille folle de toi. »

Pas de réponse. Jattendis cinq minutes en finissant un verre de vin. Je remplis à nouveau mon verre. Je fis défiler les trois cents textos dEmily demandant où jétais et je lui répondis par

- Nick !!! Vraiment désolée. On se parle plus tard.

Jen envoyais un autre à Nick.

- Tes là ? Tjrs avec Tim ?

- Yop, fut sa réponse.

Un autre texte de Nick sonna quelques secondes plus tard.

- Il faut quon parle.

- Il faut quon parle.

Bonne ou mauvaise conversation ? me demandais-je. Parler, comme un euphémisme pour ne pas parler ?

Je répondais à Nick :

- oki, où, quand ?

- Lundi, au bureau.

Coup de poing dans lestomac. Reste calme, Katie, reste calme. Ne laisse pas ce moment téchapper. Il y a encore une chance.

- Pas juste. Maintenant ? Choisis un endroit.

- Mauvaise idée. Jai picolé.

- Je men fiche. Chbre 632.

Pas de réponse. Réfléchis, réfléchis, réfléchis, réfléchis, réfléchis. Il na pas dit non. Il na pas dit oui. Je pourrai renvoyer un texto et demander une réponse claire, mais ça pourrait être une mauvaise idée. Suppose que cest oui et ressaisis-toi, ma fille.

Jinspectai la chambre dhôtel spartiate, laffreuse couette marron grisonnante, trop souvent passée dans des lave-linge industriels, les rideaux marron décolorés par les années « fumeur » de la chambre, une reproduction encadrée en série dun bateau à aubes accrochée sur un mur couvert de papier peint métallisé. Ce nétait pas très prometteur pour un interlude romantique. Je nettoyai la pièce, et moi, du mieux possible, et jessayai de me stabiliser sur une pensée et un comportement sobres.

Pas de Nick. Je fis les cent pas. Je me racontai des histoires. Je revérifiai mes textos. Et puis, soudain, je su quil était là, je le sentis avec ma perception Nick extrasensorielle.

Je regardai par le judas. Oui, il était là, faisant la même chose que moi de lautre côté de lépaisse plaque de bois. Mais je ne pouvais pas ouvrir la porte, sinon il aurait su que jétais là à le regarder.

Il leva la main pour frapper. Il la baissa. Il se retourna pour séloigner ; il revint à la porte. Il passa sa main dans ses cheveux en se massant le crâne et ferma les yeux.

Il frappa à la porte. Je retins ma respiration en formulant une prière rapide. « Sil vous plaît, mon Dieu, aidez-moi à ne pas tout faire foirer ». Ce nétait pas la prière la mieux conçue ou la plus élaborée que jaie jamais prononcée. Jouvris la porte.

Aucun de nous ne dit un mot. Je fis un pas en arrière et il entra, serrant une serviette de bar dans sa main gauche. Sa main droite ratissant à nouveau ses cheveux en un tic nerveux que je navais jamais remarqué avant ce soir.

Je massis sur le lit. Il sassit dans un fauteuil près de la fenêtre.

- Tu as dit que nous devions parler, commençais-je.

Il se concentra sur sa serviette froissée pendant un long moment. Quand il leva les yeux, il fit un mouvement de va-et-vient entre nous deux et dit :

- Ma vie est bien trop compliquée en ce moment. Je suis désolé, mais ça ne peut pas arriver.

Ces mots nétaient pas ceux que javais espéré entendre. Peut-être nétaient-ils pas ceux que je mattendais à entendre, mais javais gardé espoir jusquà ce quil les prononce. Mon visage brûlait. Compte à rebours avant leffondrement.

- Par « ça », je suppose que tu fais référence à une sorte de « truc » entre toi et moi ? Bien sûr que ça ne peut pas se produire. Je suis une associée du cabinet. Jentendis ma voix en écho. Supérieure. Dédaigneuse.

- Je sais que je peux passer pour une dragueuse, mais je suis comme ça avec tout le monde, Nick. Ne tinquiète pas. Je ne te cours pas après.

Je pouvais presque voir lempreinte virtuelle dune main sur son visage laissée par la gifle de mes mots.

- Je tai entendu parler à Emily sur ton portable quand tu es arrivée cet après-midi.

Cela semblait de mauvais augure.

- De quoi tu parles ?

- Je passais devant ta chambre. La porte était grande ouverte. Je tai vue. Je tai entendue.

Je protestais,

- Comment savais-tu que cétait moi ?

- Je connais ta voix. Vous parliez de moi. Jai entendu mon nom. Je suis désolé davoir écouté aux portes, mais je nai pas pu men empêcher. Je me suis arrêté et jai écouté.

Je tentais de le couper à nouveau, mais il continua.

- Tu as dit, (et, oh, jaurai voulu ne pas entendre la suite) que tu ne pouvais pas croire à quel point je tattirais. Que tu te sentais coupable parce que tu pensais à moi plus quau travail ou à ce qui était arrivé à tes parents...

Nick trébuchait sur ses mots, luttant pour faire sortir quelque chose.

- Tu as dit à Emily que tu ne pouvais pas tempêcher dêtre amoureuse de moi.

Oh, mon Dieu. Oh, mon Dieu. Tout ce sang brûlant qui se vidait de mon visage. Javais dit ça au téléphone à Emily. Elle avait appelé pour sassurer que je venais directement à la séance, et javais détourné la conversation vers Nick. Cétait une chose tellement normale que je lavais oubliée. Bon sang, cétait tellement normal quelle avait probablement fait abstraction de tout ça. Soudain, je sus à quel point jétais ivre, et la pièce se mit à tourner.

Je forçai un rire à briser du cristal.

- Oui, jai mentionné ton nom, mais ce nest pas ce que jai dit.

- Non, cétait bien ça, interrompit-il. Je ne suis pas un crétin. Je sais ce que jai entendu.

- Eh bien, tu las mal interprété, insistais-je. Je ne cours pas après toi, Nick. Pour ce que jen sais, tu es toujours marié. Et nous travaillons ensemble. Je suis désolée si je tai mis mal à laise. Je vais essayer de ne pas le refaire.

- Tu ne mas pas mis mal à laise.

Il sarrêta et passé la main dans les cheveux une troisième fois, fixant à nouveau la serviette. Il y avait quelque chose décrit sur cette foutue chose.

- Cest juste que... Il soupira et nalla pas plus loin.

- Juste quoi ?

Pas de réponse. Jaurai aimé que ce soit seulement lalcool qui me fasse sortir des sarcasmes, mais ce nétait pas le cas.

- Pourquoi ne pas consulter ta serviette magique pour savoir ce que tu dois dire ?

Son visage sassombrit.

- Cest pas sympa.

Jétais en train daccumuler de la pression.

- Eh bien, il semble que tu sois venu me voir avec ton discours tout préparé. Remettre la pauvre Katie en mal damour à sa place.

Je pris une inspiration et je crachai :

- Je narrive pas à croire que tu aies dû prendre des notes sur une serviette de bar.

- Je ne suis pas aussi bon que toi avec les mots, Madame lavocate. Je voulais faire ça correctement. Ne te moque pas de moi parce que je te prends au sérieux.

- Désolée de tavoir causé tant de problèmes.

Je nétais pas désolée sur le moment, et je pense que mon ton le lui fit comprendre.

- Mais je ten prie, finis de lire ta serviette.

Il se leva.

- Il ny a rien dautre qui vaille la peine de discuter.

Trop tard, javais vu à quel point jétais nulle.

- Nick, je suis désolée. Oublie ce que jai dit. Jai trop bu. Merde, je bois trop ces derniers temps, et je vais vraiment réduire ma consommation. Jespère que cela ne fera pas reculer notre amitié, et que nous pourrons continuer à travailler normalement. Tu sais comment je suis. Je suis bien trop excessive, et jai une grande gueule.

Jinterrompis mon bavardage inutile et luttai pour garder le contact visuel avec lui.

Mes pensées étaient devenues confuses. Comment avais-je pu me tromper autant sur lui ? Jai toujours cru quau fond, il était aussi attiré par moi - et pas seulement sur le plan physique - que je létais par lui. Que si je lui donnais la bonne ouverture et le bon coup de pouce, il memporterait dans son carrosse magique et me conduirait au bonheur.

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