Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке - Луи Фердинанд Селин 12 стр.


Les bâtiments du lycée souvraient sur une très ample terrasse, dorée lété, au milieu des arbres, et doù se découvrait magnifiquement Paris, en sorte de glorieuse perspective. Cétait là que le jeudi nos visiteurs nous attendaient et Lola parmi eux, venant mapporter ponctuellement gâteaux, conseils et cigarettes.

Nos médecins nous les voyions chaque matin. Ils nous interrogeaient avec bienveillance, mais on ne savait jamais ce quils pensaient au juste. Ils promenaient autour de nous, dans des mines toujours affables, notre condamnation à mort.

Beaucoup de malades parmi ceux qui étaient là en observation, parvenaient, plus émotifs que les autres, dans cette ambiance doucereuse, à un état de telle exaspération quils se levaient la nuit au lieu de dormir, arpentaient le dortoir de long en large, protestaient tout haut contre leur propre angoisse, crispés entre lespérance et le désespoir, comme sur un pan traître de montagne. Ils peinaient des jours et des jours ainsi et puis un soir ils se laissaient choir dun coup tout en bas et allaient tout avouer de leur affaire au médecinchef. On ne les revoyait plus ceux-là, jamais. Moi non plus, je nétais pas tranquille. Mais quand on est faible ce qui donne de la force, cest de dépouiller les hommes quon redoute le plus, du moindre prestige quon a encore tendance à leur prêter. Il faut sapprendre à les considérer tels quils sont, pires quils sont cest-à-dire, à tous les points de vue. Ça dégage, ça vous affranchit et vous défend audelà de tout ce quon peut imaginer. Ça vous donne un autre vous-même. On est deux.

Leurs actions, dès lors, ne vous ont plus ce sale attrait mystique qui vous affaiblit et vous fait perdre du temps et leur comédie ne vous est alors nullement plus agréable et plus utile à votre progrès intime que celle du plus bas cochon.

À côté de moi, voisin de lit, couchait un caporal, engagé volontaire aussi. Professeur avant le mois daoût dans un lycée de Touraine, où il enseignait, mapprit-il, lhistoire et la géographie. Au bout de quelques mois de guerre, il sétait révélé voleur ce professeur, comme pas un. On ne pouvait plus lempêcher de dérober au convoi de son régiment des conserves, dans les four-gons de lIntendance, aux réserves de la Compagnie, et partout ailleurs où il en trouvait.

Avec nous autres il avait donc échoué là, vague en instance de Conseil de guerre. Cependant, comme sa famille sacharnait à prouver que les obus lavaient stupéfié, démoralisé, linstruction différait son jugement de mois en mois. Il ne me parlait pas beaucoup. Il passait des heures à se peigner la barbe, mais quand il me parlait, cétait presque toujours de la même chose, du moyen quil avait découvert pour ne plus faire denfants à sa femme. Était-il fou vraiment? Quand le moment du monde à lenvers est venu et que cest être fou que de demander pourquoi on vous assassine, il devient évident quon passe pour fou à peu de frais. Encore faut-il que ça prenne, mais quand il sagit déviter le grand écartelage il se fait dans certains cerveaux de magnifiques efforts dimagination.

Tout ce qui est intéressant se passe dans lombre, décidément. On ne sait rien de la véritable histoire des hommes.

Princhard, il sappelait, ce professeur. Que pouvait-il bien avoir décidé, lui, pour sauver ses carotides, ses poumons et ses nerfs optiques? Voici la question essentielle, celle quil aurait fallu nous poser entre nous hommes pour demeurer strictement humains et pratiques. Mais nous étions loin de là, titubants dans un idéal dabsurdités, gardés par les poncifs belliqueux et insanes, rats enfumés déjà, nous tentions, en folie, de sortir du bateau de feu, mais navions aucun plan densemble, aucune confiance les uns dans les autres. Ahuris par la guerre, nous étions devenus fous dans un autre genre: la peur. Lenvers et lendroit de la guerre.

Il me marquait quand même, à travers ce commun délire, une certaine sympathie, ce Princhard, tout en se méfiant de moi, bien sûr.

Il me marquait quand même, à travers ce commun délire, une certaine sympathie, ce Princhard, tout en se méfiant de moi, bien sûr.

Où nous nous trouvions, à lenseigne où tous nous étions logés, il ne pouvait exister ni amitié, ni confiance. Chacun laissait seulement entendre ce quil croyait être favorable à sa peau, puisque tout ou presque allait être répété par les mouchards à laffût.

De temps en temps, lun dentre nous disparaissait, cest que son affaire était constituée, quelle se terminerait au Conseil de guerre, à Biribi ou au front et pour les mieux servis à lAsile de Clamart.

Dautres guerriers douteux arrivaient encore, toujours, de toutes les armes, des très jeunes et des presque vieux, avec la frousse ou bien crâneurs, leurs femmes et leurs parents leur rendaient visite, leurs petits aussi, yeux écarquillés, le jeudi.

Tout ce monde pleurait dabondance, dans le parloir, sur le soir surtout. Limpuissance du monde dans la guerre venait pleurer là, quand les femmes et les petits sen allaient, par le couloir blafard de gaz, visites finies, en traînant les pieds. Un grand troupeau de pleurnicheurs ils formaient, rien que ça, dégoûtants.

Pour Lola, venir me voir dans cette sorte de prison, cétait encore une aventure. Nous deux, nous ne pleurions pas. Nous navions nulle part, nous, où prendre des larmes.

« Est-ce vrai que vous soyez réellement devenu fou, Ferdinand? me demande-t-elle un jeudi.

 Je le suis! avouai-je.

 Alors, ils vont vous soigner ici?

 On ne soigne pas la peur, Lola.

 Vous avez donc peur tant que ça?

 Et plus que ça encore, Lola, si peur, voyez-vous, que si je meurs de ma mort à moi, plus tard, je ne veux surtout pas quon me brûle! Je voudrais quon me laisse en terre, pourrir au cimetière, tranquillement, là, prêt à revivre peut-être Sait-on jamais! Tandis que si on me brûlait en cendres, Lola, comprenezvous, ça serait fini, bien fini Un squelette, malgré tout, ça ressemble encore un peu à un homme Cest toujours plus prêt à revivre que des cendres Des cendres cest fini!.. Quen dites-vous?.. Alors, nest-ce pas, la guerre

 Oh! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand! Vous êtes répugnant comme un rat

 Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce quil y a dedans Je ne la déplore pas moi Je ne me résigne pas moi Je ne pleurniche pas dessus moi Je la refuse tout net, avec tous les hommes quelle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, cest eux qui ont tort, Lola, et cest moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux: je ne veux plus mourir.

 Mais cest impossible de refuser la guerre, Ferdinand! Il ny a que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie est en danger

 Alors vivent les fous et les lâches! Ou plutôt survivent les fous et les lâches! Vous souvenezvous dun seul nom par exemple, Lola, dun de ces soldats tués pendant la guerre de Cent Ans?.. Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms?.. Non, nest-ce pas?.. Vous navez jamais cherché? Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papier devant nous, que votre crotte du matin Voyez donc bien quils sont morts pour rien, Lola! Pour absolument rien du tout, ces crétins! Je vous laffirme! La preuve est faite! Il ny a que la vie qui compte. Dans dix mille ans dici, je vous fais le pari que cette guerre, si remarquable quelle nous paraisse à présent, sera complètement oubliée À peine si une douzaine dérudits se chamailleront encore par-ci, par-là, à son occasion et à propos des dates des principales hécatombes dont elle fut illustrée Cest tout ce que les hommes ont réussi jusquici à trouver de mémorable au sujet les uns des autres à quelques siècles, à quelques années et même à quelques heures de distance Je ne crois pas à lavenir, Lola »

Lorsquelle découvrit à quel point jétais devenu fanfaron de mon honteux état, elle cessa de me trouver pitoyable le moins du monde Méprisable elle me jugea, définitivement.

Elle résolut de me quitter sur-le-champ. Cen était trop. En la reconduisant jusquau portillon de notre hospice ce soir-là, elle ne membrassa pas.

Décidément, il lui était impossible dadmettre quun condamné à mort nait pas en même temps reçu la vocation. Quand je lui demandai des nouvelles de nos crêpes, elle ne me répondit pas non plus.

En rentrant à la chambrée je trouvai Princhard devant la fenêtre essayant des lunettes contre la lumière du gaz au milieu dun cercle de soldats. Cest une idée qui lui était venue, nous expliqua-t-il, au bord de la mer, en vacances, et puisque cétait lété à présent, il entendait les porter pendant la journée, dans le parc. Il était immense ce parc et fort bien surveillé dailleurs par des escouades dinfirmiers alertes. Le lendemain donc Princhard insista pour que je laccompagne jusquà la terrasse pour essayer les belles lunettes. Laprès-midi rutilait splendide sur Princhard, défendu par ses verres opaques; je remarquai quil avait le nez presque transparent aux narines et quil respirait avec précipitation.

« Mon ami, me confiatil, le temps passe et ne travaille pas pour moi Ma conscience est inaccessible aux remords, je suis libéré, Dieu merci! de ces timidités Ce ne sont pas les crimes qui se comptent en ce monde Il y a longtemps quon y a renoncé Ce sont les gaffes Et je crois en avoir commis une Tout à fait irrémédiable

 En volant les conserves?

 Oui, javais cru cela malin, imaginez! Pour me faire soustraire à la bataille et de cette façon, honteux, mais vivant encore, pour revenir en la paix comme on revient, exténué, à la surface de la mer après un long plongeon Jai bien failli réussir Mais la guerre dure décidément trop longtemps On ne conçoit plus à mesure quelle sallonge dindividus suffisamment dégoûtants pour dégoûter la Patrie Elle sest mise à accepter tous les sacrifices, doù quils viennent, toutes les viandes la Patrie Elle est devenue infiniment indulgente dans le choix de ses martyrs la Patrie! Actuellement il ny a plus de soldats indignes de porter les armes et surtout de mourir sous les armes et par les armes On va faire, dernière nouvelle, un héros avec moi!.. Il faut que la folie des massacres soit extraordinairement impérieuse, pour quon se mette à pardonner le vol dune boîte de conserve! que dis-je? à loublier! Certes, nous avons lhabitude dadmirer tous les jours dimmenses bandits, dont le monde entier vénère avec nous lopulence et dont lexistence se démontre cependant dès quon lexamine dun peu près comme un long crime chaque jour renouvelé, mais ces gens-là jouissent de gloire, dhonneurs et de puissance, leurs forfaits sont consacrés par les lois, tandis quaussi loin quon se reporte dans lhistoire et vous savez que je suis payé pour la connaître tout nous démontre quun larcin véniel, et surtout daliments mesquins, tels que croûtes, jambon ou fromage, attire sur son auteur immanquablement lopprobre formel, les reniements catégoriques de la communauté, les châtiments majeurs, le déshonneur automatique et la honte inexpiable, et cela pour deux raisons, tout dabord parce que lauteur de tels forfaits est généralement un pauvre et que cet état implique en lui-même une indignité capitale et ensuite parce que son acte comporte une sorte de tacite reproche envers la communauté. Le vol du pauvre devient une malicieuse reprise individuelle, me comprenez-vous?.. Où irions-nous? Aussi la répression des menus larcins sexerce-t-elle, remarquez-le, sous tous les climats, avec une rigueur extrême, comme moyen de défense sociale non seulement, mais encore et surtout comme une recommandation sévère à tous les malheureux davoir à se tenir à leur place et dans leur caste, peinards, joyeusement résignés à crever tout au long des siècles et indéfiniment de misère et de faim Jusquici cependant, il restait aux petits voleurs un avantage dans la République, celui dêtre privés de lhonneur de porter les armes patriotes. Mais dès demain, cet état de choses va changer, jirai reprendre dès demain, moi voleur, ma place aux armées Tels sont les ordres En haut lieu, on a décidé de passer léponge sur ce quils appellent mon moment dégarement et ceci, notez-le bien, en considération de ce quon intitule aussi lhonneur de ma famille. Quelle mansuétude! Je-vous le demande camarade, est-ce donc ma famille qui va sen aller servir de passoire et de tri aux balles françaises et allemandes mélangées?.. Ce sera bien moi tout seul, nest-ce pas? Et quand je serai mort, est-ce lhonneur de ma famille qui me fera ressusciter?.. Tenez, je la vois dici, ma famille, les choses de la guerre passées Comme tout passe Joyeusement alors gambadante ma famille sur les gazons de lété revenu, je la vois dici par les beaux dimanches Cependant quà trois pieds dessous, moi papa, ruisselant dasticots et bien plus infect quun kilo détrons de 14 juillet pourrira fantastiquement de toute sa viande déçue Engraisser les sillons du laboureur anonyme cest le véritable avenir du véritable soldat! Ah! camarade! Ce monde nest je vous lassure quune immense entreprise à se foutre du monde! Vous êtes jeune. Que ces minutes sagaces vous comptent pour des années! Écoutez-moi bien, camarade, et ne le laissez plus passer sans bien vous pénétrer de son importance, ce signe capital dont resplendissent toutes les hypocrisies meurtrières de notre Société: Lattendrissement sur le sort, sur la condition du miteux Je vous le dis, petits bonshommes, couillons de la vie, battus, rançonnés, transpirants de toujours, je vous préviens, quand les grands de ce monde se mettent à vous aimer, cest quils vont vous tourner en saucissons de bataille Cest le signe Il est infaillible. Cest par laffection que ça commence. Louis XIV lui au moins, quon se souvienne, sen foutait à tout rompre du bon peuple. Quant à Louis XV, du même. Il sen barbouillait le pourtour anal. On ne vivait pas bien en ce temps-là, certes, les pauvres nont jamais bien vécu, mais on ne mettait pas à les étriper lentêtement et lacharnement quon trouve à nos tyrans daujourdhui. Il ny a de repos, vous dis-je, pour les petits, que dans le mépris des grands qui ne peuvent penser au peuple que par intérêt ou sadisme Les philosophes, ce sont eux, notez-le encore pendant que nous y sommes, qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple Lui qui ne connaissait que le catéchisme! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à léduquer Ah! ils en avaient des vérités à lui révéler! et des belles! Et des pas fatiguées! Qui brillaient! Quon en restait tout ébloui! Cest ça! quil a commencé par dire, le bon peuple, cest bien ça! Cest tout à fait ça! Mourons tous pour ça! Il ne demande jamais quà mourir le peuple! Il est ainsi. Vive Diderot! quils ont gueulé et puis Bravo Voltaire! En voilà au moins des philosophes! Et vive aussi Carnot qui organise si bien les victoires! Et vive tout le monde! Voilà au moins des gars qui ne le laissent pas crever dans lignorance et le fétichisme le bon peuple! Ils lui montrent eux les routes de la Liberté! Ils lémancipent! Ça na pas traîné! Que tout le monde dabord sache lire les journaux! Cest le salut! Nom de Dieu! Et en vitesse! Plus dillettrés! Il en faut plus! Rien que des soldats citoyens! Qui votent! Qui lisent! Et qui se battent! Et qui marchent! Et qui envoient des baisers! À ce régimelà, bientôt il fut fin mûr le bon peuple. Alors nest-ce pas lenthousiasme dêtre libéré il faut bien que ça serve à quelque chose? Danton nétait pas éloquent pour les prunes. Par quelques coups de gueule si bien sentis, quon les entend encore, il vous la mobilisé en un tour de main le bon peuple! Et ce fut le premier départ des premiers bataillons démancipés frénétiques! Des premiers couillons voteurs et drapeautiques quemmena le Dumouriez se faire trouer dans les Flandres! Pour lui-même Dumouriez, venu trop tard à ce petit jeu idéaliste, entièrement inédit, préférant somme toute le pognon, il déserta. Ce fut notre dernier mercenaire Le soldat gratuit ça cétait du nouveau Tellement nouveau que Goethe, tout Goethe quil était, arrivant à Valmy en reçut plein la vue. Devant ces cohortes loqueteuses et passionnées qui venaient se faire étripailler spontanément par le roi de Prusse pour la défense de linédite fiction patriotique, Goethe eut le sentiment quil avait encore bien des choses à apprendre. De ce jour, clamatil, magnifiquement, selon les habitudes de son génie, commence une époque nouvelle! Tu parles! Par la suite, comme le système était excellent, on se mit à fabriquer des héros en série, et qui coûtèrent de moins en moins cher, à cause du perfectionnement du système. Tout le monde sen est bien trouvé. Bismarck, les deux Napoléon, Barrès aussi bien que la cavalière Eisa. La religion drapeautique remplaça promptement la céleste, vieux nuage déjà dégonflé par la Réforme et condensé depuis longtemps en tirelires épiscopales. Autrefois, la mode fanatique, cétait Vive Jésus! Au bûcher les hérétiques!, mais rares et volontaires après tout les hérétiques Tandis que désormais, où nous voici, cest par hordes immenses que les cris: Au poteau les salsifis sans fibres! Les citrons sans jus! Les innocents lecteurs! Par millions face à droite! provoquent les vocations. Les hommes qui ne veulent ni découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, quon sen empare et quon les écartèle! Et les trucide aussi de treize façons et bien fadées! Quon leur arrache pour leur apprendre à vivre les tripes du corps dabord, les yeux des orbites, et les années de leur sale vie baveuse! Quon les fasse par légions et légions encore, crever, tourner en mirlitons, saigner, fumer dans les acides, et tout ça pour que la Patrie en devienne plus aimée, plus joyeuse et plus douce! Et sil y en a là-dedans des immondes qui se refusent à comprendre ces choses sublimes, ils nont quà aller senterrer tout de suite avec les autres, pas tout à fait cependant, mais au fin bout du cimetière, sous lépitaphe infamante des lâches sans idéal, car ils auront perdu, ces ignobles, le droit magnifique à un petit bout dombre du monument adjudicataire et communal élevé pour les morts convenables dans lallée du centre, et puis aussi perdu le droit de recueillir un peu de lécho du Ministre qui viendra ce dimanche encore uriner chez le Préfet et frémir de la gueule au-dessus des tombes après le déjeuner »

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