Les Destinés - Морган Райс 2 стр.


Le chevalier était sur le point d’abattre sa lame, et presque sans réfléchir, Royce bondit sur lui, saisissant le bras du jeune chevalier par surprise.

— Attendez, insista-t-il. Attendez, Bolis.

Il sentit le chevalier relâcher sa tension, mais Bolis garda quand même son épée prête à toute éventualité.

— Cette chose a tué deux hommes, et elle nous menace, dit Bolis. On devrait la tuer pour qu’elle ne blesse personne d’autre !

— Pas encore, dit Royce.

Il regarda vers le… comment Neave l’avait appelé ? Un bhargir ? Il pouvait voir à présent que tout le sang qu’il avait sur sa fourrure n’était pas celui des hommes. Il avait une blessure sur le côté, le long de son flanc. Pas étonnant que la créature ne grogne.

— Gwylim ? demanda Royce.

À ce nom, le grognement s’arrêta et le bhargir pencha la tête, le regardant avec beaucoup plus d’intelligence qu’un loup ne l’aurait fait.

— Tu comprends ce que je dis, n’est-ce pas ? devina Royce. La sorcière Lori m’a envoyé. Si elle connaît ton nom, tu la connais peut-être ?

La créature n’avait manifestement aucun moyen de répondre, mais malgré cela, elle semblait s’être calmée, se déplaça vers Royce et s’allongea à ses pieds. Regardant de plus près, Royce remarqua quelque chose qui lui sembla impossible : la blessure sur le côté commençait à se refermer, les tissus de la bête se régénérant à une vitesse incroyable. Il n’y avait décidemment rien de normal chez cette créature.

Royce n’était pas sûr de ce qu’il devait faire. Lori l’avait manifestement dirigé vers cette créature pour une raison, mais laquelle ? Il regarda dans la maison, cherchant un début de réponse, mais l’habitation semblait avoir été dépouillée de tout, son contenu faisant clairement partie du feu devant elle. Pourquoi des voleurs comme les deux hommes morts feraient une chose pareille ?

Sans réponse, Royce retourna à son cheval. Le bhargir le suivait des yeux, assis derrière le feu, assez près pour que ses yeux brillent dans sa lumière.

— Je ne sais pas quoi faire de toi, avoua-t-il. Mais j’imagine que tu pourrais être assez malin pour décider par toi-même. Tu veux venir avec nous ?

En réponse, la bête semblable à un loup s’approcha rapidement pour se mettre à côté du cheval de Royce. D’une façon ou d’une autre, Royce soupçonnait qu’il n’aurait aucun problème à suivre le rythme.

— On emmène des monstres avec nous maintenant ? demanda Sir Bolis.

— Il n’est pas plus étrange que le reste d’entre nous, fit remarquer Matilde.

— Il est beaucoup plus dangereux, dit Neave, d’une expression sérieuse. Ce n’est pas une bonne idée.

Bonne idée ou pas, Royce était sûr que c’était la chose à faire. Il talonna son cheval, en direction d’Ablaver, avec Ember dans les airs, en tête. Si l’oiseau avait la moindre idée de la raison pour laquelle il avait été amené à trouver le bhargir qui suivait maintenant, il n’en donna aucune explication.

***

La ville d’Ablaver frappa Royce par son odeur avant même qu’il ne la voie, l’odeur de poisson mêlée à celle de la mer laissait présager de ce qui s’y passait. Cette odeur lui donna envie de faire demi-tour et de repartir, mais il continua.

La vue de la ville n’améliora pas son opinion, par la laideur des stations baleinières, où de si grandes et si belles créatures éviscérées donnaient envie à Royce de vomir. Il ne le fit pas, mais non sans efforts.

— Nous ne pouvons pas dire aux gens qui nous sommes, avertit-il.

— Parce qu’un groupe avec une Picti et un chevalier pourrait être n’importe qui, ironisa Mark.

— Si les villageois le demandent, nous sommes des mercenaires, à la recherche de notre prochain engagement, dit Royce. Les gens vont probablement supposer que nous sommes des déserteurs, des bandits, ou quelque chose de la sorte.

— Je ne veux pas que les gens me prennent pour un bandit, dit Bolis. Je suis un guerrier loyal d’Earl Undine !

— Et pour l’instant, la meilleure façon d’être loyal, c’est de faire semblant d’être quelqu’un d’autre, insista Royce.

Le chevalier sembla comprendre le message. Il étala même de la boue sur son bouclier, non sans maugréer, afin que personne ne voie l’héraldique qui s’y trouvait.

— Que tout le monde garde ses capuches. Surtout toi, Neave.

Royce n’était pas sûr de la réaction des habitants de la ville face à un Picti. Il ne voulait pas avoir à affronter toute une ville. C’était déjà assez grave que Gwylim marche à leurs côtés, beaucoup trop grand et effrayant pour un simple loup.

Ils entrèrent dans le cœur de la cité, regardant à l’entour les bâtiments délabrés tout en descendant vers les quais et les navires amarrés. La plupart d’entre eux n’étaient guère plus que des bateaux de pêche, mais certains des baleiniers étaient plus grands, et parmi eux se trouvaient des nefs et de longs navires qui semblaient être utilisés pour le commerce.

Il y avait des tavernes où Royce pouvait entendre les bruits d’ivresse et de violence courantes pour ce genre d’endroits, et des étals de marché où la viande rance et les produits exotiques fins étaient disposés côte à côte.

— Nous devrions nous disperser, dit Matilde en louchant vers une taverne.

Royce secoua la tête.

— Nous devons rester ensemble. Nous irons aux docks, trouverons un bateau, et ensuite nous pourrons explorer.

Matilde n’eut pas l’air satisfaite de cette décision, mais pourtant, ils se dirigèrent ensemble vers les docks. Là, les choses semblaient se dérouler plus paresseusement, avec des marins sur les ponts des navires ou assis au soleil.

— Comment allons-nous nous y prendre ? demanda Mark, en regardant autour de lui. Trouver un capitaine qui nous conduira sur les Sept Îles ne sera pas chose aisée.

Royce ne pensait pas qu’il y ait une bonne réponse à cette question. D’après lui, il n’y avait qu’une seule option, et elle était tout sauf subtile.

— Écoutez-moi ! cria-t-il par-dessus le brouhaha des docks. J’ai besoin d’un bateau. Y a-t-il un capitaine ici prêt à naviguer vers les Sept Îles ?

— Est-ce que c’est très sage ? demanda Bolis.

— Comment allons-nous trouver quelqu’un sinon ? demanda Royce.

Même s’ils entraient dans les tavernes et demandaient discrètement, les nouvelles se répandraient rapidement. C’était peut-être encore mieux ainsi. Il éleva la voix.

— S’il vous plait… qui nous emmènera dans les Sept Îles ?

— Pourquoi veux-tu aller là-bas ? répondit une voix d’homme.

L’homme qui s’avança portait les soies brillantes d’un marchand, et un ventre rebondi trahissant une vie bien trop facile.

— J’ai des affaires là-bas, dit Royce, ne voulant pas en dire plus. Il y a des gens qui engageraient mes compétences et celles de mes compagnons.

L’homme s’avança encore. Royce regarda son visage, cherchant tout signe que l’homme les avait reconnus. Mais il ne décela rien d’inquiétant.

— Quelle genre d’affaire ? demanda l’homme. Vous êtes des bouffons, des jongleurs ?

Royce réfléchit rapidement. Peut-être qu’ils ne pouvaient pas passer pour des mercenaires si facilement, mais ça…

— Bien sûr, dit-il. Il évita de croiser le regard de Bolis. Nous avons rendez-vous dans les Sept Îles.

— On a dû vous promettre une belle somme pour vous y rendre, dit le capitaine. Ce qui veut dire que vous pouvez payer, n’est-ce pas ?

Royce sorti une petite bourse.

— Jusqu’à un certain point.

Si cela les amenait jusqu’à son père, il paierait toutes les couronnes qu’il avait sur lui et plus encore. Il jeta la bourse au capitaine.

— Est-ce suffisant ? demanda Royce.

C’était l’autre danger. Le capitaine pouvait prendre l’argent et partir en courant jusqu’à son navire, et si Royce faisait quoi que ce soit pour essayer de l’arrêter, cela ne ferait que montrer clairement qui ils étaient. Pendant un moment, tout sembla s’arrêter.

Puis le capitaine hocha la tête.

— Oui, ça suffira. Je vous emmènerai dans les Sept Îles en un seul morceau. Après ça, vous vous débrouillerez.

CHAPITRE DEUX

Geneviève s’éloigna de la ville encore toute étourdie, incapable de croire ce qui s’était passé au château d’Altfor. Elle y était allée pleine d’espoir, mais désormais elle avait l’impression de n’être pas plus qu’un fantôme. Elle avait pensé qu’une fois les forces du duc vaincues, et Royce victorieux, elle aurait pu aller vers lui, être avec lui.

Au lieu de cela, ses pensées errantes la ramenèrent à la vision de la bague au doigt d’Olivia, proclamant ses fiançailles avec l’homme qu’elle aimait.

Geneviève chancela alors que son pied s’accrochait au sol, la douleur se propageant dans sa cheville alors qu’elle se la tordait. Elle boitait désormais, comme pour en rajouter à sa misérable situation. Et personne aux alentours ne viendrait à son secours.

— J’aurais dû écouter la sorcière, se dit-elle en marchant.

L’énigmatique femme, Lori, avait essayé de l’avertir qu’elle ne trouverait que chagrin et déception en se rendant au château. Elle avait proposé à Geneviève deux chemins, et lui avait promis que celui qui ne menait pas à Royce était celui qui la rendrait heureuse. Geneviève ne l’avait pas crue, mais maintenant… c’était comme si son cœur avait disparu.

Une partie d’elle se demandait s’il était encore possible d’emprunter cette deuxième voie, mais même si elle le désirait, Geneviève savait que cette possibilité avait disparu. Pas seulement parce que ce chemin ne se trouvait plus là où il était mais parce qu’elle avait vu ce qui s’était passé pour Royce et qu’elle ne pourrait jamais être heureuse avec quelqu’un d’autre.

— Je dois aller à Fallsport, dit Geneviève.

Elle espérait que la route qu’elle prenait la conduirait jusqu’à la côte. Éventuellement, elle y arriverait et y trouverait un bateau qui l’emmènerait là où elle devait aller.

Sheila devait déjà être arrivée à Fallsport. Geneviève pourrait la rejoindre, et elles pourraient trouver un moyen de tirer le meilleur parti de tout ce qui s’était passé, en supposant que ce soit possible. Y avait-il réellement un moyen de tirer bénéfice d’une situation où elle portait l’enfant d’Altfor, où l’homme qu’elle aimait l’avait abandonnée, et où tout le duché avait sombré dans le chaos ?

Geneviève ne le savait pas, mais peut-être qu’avec l’aide de sa sœur, elles pourraient trouver une solution.

Elle continua à avancer, rongée par la faim, la fatigue commençant à s’accumuler jusque dans ses os. Cela aurait pu être plus facile si elle avait su exactement jusqu’où elle devait aller ou où elle pourrait trouver de la nourriture, mais au lieu de cela, la bruyère s’étirait à perte de vue devant elle.

— Peut-être que je devrais m’allonger et mourir ici, dit Geneviève, et même si elle ne le pensait pas vraiment, il y avait une partie d’elle qui… non, elle ne penserait pas comme ça. Elle ne le ferait pas.

Au loin, Geneviève crut voir des gens, mais elle s’éloigna d’eux, parce qu’il n’y avait aucun moyen que leur rencontre puisse apporter quoi que ce soit de bon pour elle. Une femme seule loin de tout, elle serait une proie rêvée pour n’importe quel groupe de déserteurs, de soldats ou même de rebelles. Et en tant qu’épouse d’Altfor, les gens de l’armée de Royce n’avaient pas plus de raisons de l’aimer que quiconque.

Elle s’éloigna d’eux jusqu’à ce qu’elle soit certaine qu’ils soient hors de vue. Elle le ferait seule.

Sauf qu’elle n’était plus seule, n’est-ce pas ? Geneviève posa la main sur son ventre, comme si elle pouvait sentir la vie grandir en elle. Le bébé d’Altfor, mais aussi le sien. Elle devait trouver un moyen de protéger son enfant.

Elle continuait à marcher, tandis que le soleil commençait à s’estomper vers l’horizon, éclairant la bruyère de notes de feu. Un feu qui ne faisait rien pour garder Geneviève au chaud, cependant, et elle pouvait voir son haleine commencer à embuer l’air devant elle. La nuit allait être froide.

Au mieux, elle devrait trouver un creux ou un fossé dans lequel se blottir, brûler la tourbe ou la fougère qu’elle pourrait rassembler pour faire un vrai feu.

Au pire, cela signifierait qu’elle mourrait ici, gelée dans une lande qui n’avait aucune compassion envers les gens qui tentaient de la traverser. C’était peut-être mieux que d’errer sans but jusqu’à ce qu’elle meure de faim. Une partie de Geneviève voulait juste rester assise là et regarder les lumières danser sur la bruyère jusqu’à ce que…

Au début, Geneviève réalisa que toutes les teintes orange et rouges du paysage autour d’elle n’étaient pas que le reflet du coucher du soleil. Là, au loin, elle pouvait voir une lumière qui semblait venir d’un bâtiment. Il y avait des gens là-bas.

Auparavant, la vue des gens avait suffi à faire rebrousser chemin à Geneviève, mais c’était sous la lumière et la chaleur du jour, les rencontres ne représentaient alors que du danger. Désormais, dans l’obscurité et dans le froid, ces dangers étaient effacés par l’espoir d’un abri.

Geneviève boitait vers la lumière, chaque pas qu’elle faisait ressemblait à une bataille. Elle sentit ses pieds s’enfoncer dans le sol tourbeux des landes, les chardons lui écorchant les jambes alors qu’elle continuait à avancer. C’était comme une sorte de barrière érigée par la nature, là pour s’emmêler, déchirer et finalement saper la volonté de quiconque la traversait. Malgré cela, Geneviève continua à avancer.

Lentement, les lumières se rapprochaient, et comme la lune commençait à se lever et à illuminer davantage le paysage, elle vit qu’il y avait une ferme en contrebas. Geneviève marchait un peu plus vite, descendant vers elle aussi vite qu’elle le pouvait, compte tenu de son état d’épuisement et de douleur. Elle se rapprochait, soudain des gens sortirent du bâtiment.

Pendant un moment, Geneviève recula, une partie d’elle voulant fuir à nouveau. Elle savait qu’elle ne le pouvait pas, cependant, alors elle continua à tituber jusqu’à ce qu’elle atteigne la cour de la ferme, où un homme et une femme lui faisaient face, tenant tous deux des outils agricoles comme s’ils s’attendaient à une attaque. L’homme tenait une fourche, tandis que la femme avait une faucille. Ils les abaissèrent rapidement en voyant que Geneviève était seule.

Le couple était âgé et ils semblaient usés par les intempéries, ayant l’air d’avoir travaillé cette parcelle de terre pendant des décennies, cultivant quelques légumes et faisant paître un petit nombre d’animaux dans la bruyère. Ils portaient de simples vêtements de paysans et, en la regardant, ils passèrent de la suspicion à la sympathie.

— Oh, regarde-la, Thom, dit la femme. La pauvre doit être congelée.

— Oui, je vois, Anne, dit l’homme. Il tendit la main à Geneviève. Viens, ma fille, on ferait mieux de t’emmener à l’intérieur.

Il la conduisit à l’intérieur, dans une pièce au plafond bas où un chaudron de ragoût bouillonnait dans le coin. L’homme présenta à Geneviève une chaise devant le feu, et elle s’y affala, presque engloutie par celle-ci. L’impression de confort qu’elle ressentit lui fit réaliser à quel point elle était extenuée.

— Repose-toi un peu, dit la femme.

— Tiens, dit l’homme. Elle me dit quelque chose, pas toi, Anne ?

— Je ne suis personne, dit rapidement Geneviève.

Quand les gens l’avaient reconnue dans le village, ils lui en avaient voulu d’être la femme d’Altfor, même si elle n’avait aucune responsabilité sur ce que le fils du duc avait fait.

— Non, je te reconnais, dit Anne. Tu es Geneviève, la fille que le fils du duc a enlevée.

— Je suis…

— Tu n’as pas besoin de cacher ton identité avec nous, dit Thom. Nous n’allons pas te juger pour avoir été enlevée. Nous avons vécu assez longtemps pour voir bon nombre de filles subir le même destin par les nobles d’ici.

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