Les Destinés - Морган Райс 4 стр.


Le capitaine sortit un couteau et se dirigea vers Mark.

— Ton ami va nous dire où trouver le vieux roi, et s’il nous cause des ennuis, je te couperai en morceaux jusqu’à ce qu’il obtempère.

— Vous n’avez pas besoin de faire cela, dit Royce. Le couteau si près de Mark rendait cela plus dangereux, mais il n’avait pas d’autre option. Je vais vous guider.

Il regarda à travers les yeux d’Ember, localisant d’en haut les rochers et les épaves près de la première des îles. Utilisant la vue de l’animal, il commença à donner des instructions.

— Un peu à gauche, dit-il.

— Tu penses pouvoir nous guider ? demanda le capitaine.

— Vous voulez que je vous mène à mon père ou non ? s’agaça Royce.

Il se sentait toujours si faible. S’il avait eu toute sa force, il aurait simplement massacré cet équipage de vermine et sauvé ses amis. Mais dans son état… une telle action, c’était hors de question.

— Si vous ne me croyez pas, gardez un œil sur l’oiseau. Ember nous guide.

Le capitaine leva les yeux et Royce regarda Gwylim, se demandant une nouvelle fois à quel point la créature semblable à un loup le comprenait. Il regarda le capitaine d’un air insistant, espérant que cela suffirait. Il n’arrêtait pas de regarder à travers les yeux d’Ember, laissant le navire s’approcher de la terre ferme et attendant sa chance…

— Maintenant ! ordonna Royce, et le bhargir bondit, frappant le capitaine à la poitrine alors même que Royce attrapait la barre et entrainait le navire vers une série de récifs.

Le navire se cabra brutalement, et à ce moment même, Royce se dirigeait déjà vers ses amis. Drogué comme il l’était, il avait l’impression de se déplacer au ralenti, les sons et sa vision déformés en entendant le bruit d’une bagarre vicieuse qui venait de loin, ou tout près de lui. Il ne pouvait pas espérer se joindre à ce combat, aussi instable qu’il l’était, mais il pouvait essayer de libérer ses amis. Il tira l’épée de cristal, se penchant pour couper les cordes qui tenaient les mains de Matilde.

— Merci, dit-elle en se frottant les poignets. Je vais… derrière toi !

Royce se retourna en un éclair et enfonça sa lame dans la poitrine d’un marin qui courait vers lui. Même instable, à peine capable de tenir debout, Royce avait la force de traverser un homme de son épée de cristal. L’épée du marin tomba, et Royce sentit quelque chose rebondir sur son armure alors que le marin s’était immobilisé durant un moment, avant de s’effondrer.

Royce continua à libérer les autres, et un autre marin se jeta sur eux. Cette fois-ci, Ember se précipita pour lui lacérer le visage, le retenant encore assez longtemps pour que Bolis puisse le faire passer par-dessus bord.

Puis le navire heurta les rochers dans un crissement de bois comme si une forêt se faisait déraciner, et tout le pont bascula latéralement.

Les hommes criaient en tombant dans les eaux en contrebas. Royce vit une chose s’élever de cette eau, longue et ressemblant à un serpent, avec des nageoires en éventail et des dents semblables à des couteaux. La créature sortit de l’eau, se dressa comme une tour de siège, un homme prisonnier de sa gueule criant pendant que ses dents pointues le serraient. Un autre était emprisonné dans ses anneaux, et Royce entendit le craquement des os quand le mouvement du monstre marin l’écrasa.

Royce eut un moment pour simplement apprécier la sauvagerie de cette mort, avant de glisser lui aussi le long du pont vers le vide, droit dans la gueule du serpent géant qui attendait.

Il s’agrippa comme il le put, réussissant à peine à supporter son propre poids. À ses côtés, Mark, Matilde, Bolis et Neave s’étaient également agrippés pour leur vie, tandis que le navire continuait à se déchirer.

— Quel était exactement ton plan ? demanda Mark.

— C’est à peu près tout, admit Royce.

Échouer le vaisseau et essayer de voir ce qu’il fallait faire ensuite. C’était une manœuvre fondée sur rien de plus que l’espoir, et maintenant cela les avait conduits sur un navire qui se brisait lentement en deux, risquant de les faire tomber sur les rochers, ou pire, de les entraîner dans les profondeurs.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Neave. Elle avait un bras enroulé autour d’une traverse du bastingage, l’autre autour de Matilde.

— Je pense… dit Royce, essayant de réfléchir à travers le brouillard qui alourdissait ses pensées. Je pense que nous devons sauter !

— Sauter là-dedans ? s’exclama Bolis. Vous êtes fou ?

— Si nous restons, nous serons prisonniers de l’épave et entraînés vers le fond, assura Royce. Il faut que nous nous éloignions, et la seule façon de le faire, c’est de sauter !

Il y avait également une autre raison de sauter. Les hommes avançaient le long du pont, et ils étaient trop nombreux pour qu’il espère avoir le dessus dans son état. Gwylim était là, la gueule recouverte de sang pendant qu’il grognait, mais qu’est-ce qu’une créature comme lui pourrait faire dans une telle situation ?

Il ne restait plus qu’un seul choix, alors Royce le fit pour ses amis. Sans hésiter, il poussa Bolis et Mark par-dessus bord. Matilde avait l’air de vouloir rester, mais Neave l’entraîna avec elle. Gwylim les suivit, le bhargir grondant avant de bondir.

Il ne restait plus qu’une chose à faire. Royce se leva sur la balustrade, regardant vers le bas où l’eau moussait et tourbillonnait en bas. Il remit l’épée de cristal dans son fourreau, espérant que l’armure qu’il avait trouvée dans la tour était aussi légère qu’il le sentait…

…et il sauta.

CHAPITRE QUATRE

Raymond se tenait avec ses frères à un croisement à la frontière du territoire du vieux duc, sachant qu’il devait continuer, mais ne voulant pas en même temps se séparer des autres pour le moment. Bientôt, Lofen, Garet et lui allaient devoir partir et entreprendre les choses dont Royce avait besoin, dont ils avaient tous besoin.

— Nerveux ? demanda-t-il aux autres.

— Bien sûr que non, dit Lofen, la bravade était évidente.

Lofen était toujours prêt à se battre, et peut-être que cela lui servirait dans son entreprise de rallier les Pictis, malgré tout, Raymond pensait qu’il aurait été mieux loti s’il avait eu plus qu’une carte et une idée générale.

— Je ferai ce qu’il faut, dit Garet, essayant évidemment d’avoir l’air aussi courageux que ses frères.

Raymond voulait lui dire qu’il ne doutait pas un seul instant de son courage ; il avait vu à quel point les autres avaient été forts quand ils avaient été pris au piège dans le donjon d’Altfor.

— Je persuaderai les Bannerets de nous rejoindre, ajouta-t-il.

— Je trouverai davantage de gens susceptibles de vous aider, dit Moira, son cheval à côté de celui de Garet.

Raymond ne savait pas trop quoi penser de sa présence là-bas. Le fait qu’elle était une noble aiderait à mettre les gens de sa classe de leur côté, et elle s’était portée volontaire pour aider, mais Raymond avait déjà remarqué la façon dont Garet la regardait, et il savait que cela allait être compliqué.

— Fais attention à toi, dit Raymond à son frère cadet.

Il se tourna vers Moira. On ne pouvait nier qu’elle était belle, et il n’allait pas lui en vouloir d’avoir été enlevée par les nobles, malgré cela, il y avait quelque chose dans la façon dont elle s’était portée volontaire pour cette équipée qui le rendait mal à l’aise.

— Veille à ce qu’il soit en sécurité.

— Je ne suis pas un enfant, se vexa Garet. Je suis un homme, et j’agirai comme tel.

— Tant que tu nous trouves les gens dont on a besoin, conclut Raymond.

— J’ai la partie facile, insista Garet. C’est toi qui dois persuader les gens de se soulever.

Raymond hocha la tête.

— Ils se soulèveront. Ils le feront pour Royce.

Il avait vu comment son frère avait réussi à persuader les gens à se battre plus fort et comment Royce avait réussi à vaincre les ennemis les plus dangereux. Il avait abattu un maître d’arme comme Lord Alistair et avait rallié les forces du comte Undine. Les gens se lèveraient au nom de Royce.

— Je suppose que c’est un au revoir alors, dit Lofen essayant de ne montrer aucune émotion.

Mais Raymond savait qu’elle était là, derrière le visage impassible de son frère. Raymond espérait juste qu’il pourra faire un plaidoyer plus émouvant quand il s’adressera aux Pictis. Il espérait aussi que son frère serait en sécurité, parce qu’ils avaient tous vu de quoi les gens sauvages du pays étaient capables, sur le rocher de guérison.

— Ce n’est pas un adieu pour longtemps, j’espère, dit Raymond. Souviens-toi…

— Les rassembler au château d’Earl Undine, pas à celui du vieux duc, dit Lofen. Oui, je sais. Tu l’as dit assez de fois en chemin.

— J’allais dire n’oubliez pas que je vous aime tous les deux, mes frères, dit Raymond. Même si tu es un idiot, Lofen, et que Garet est encore trop novice pour avoir le moindre bon sens.

— Au moins, on n’est pas une mère poule qui glousse après tout le monde, répondit Garet en tirant sur les rennes de son cheval pour le préparer au départ. À bientôt, mon frère, avec toute une armée !

— Je veillerai sur lui, dit Moira, retournant son propre cheval pour suivre Garet.

— Veille à tenir parole, insista Raymond.

— Tu es dur avec elle, dit Lofen, alors que les deux s’éloignaient.

— C’est plutôt le fait que Garet soit doux avec elle qui m’inquiète, dit Raymond.

Il vit son frère hausser les épaules.

— Au moins, il a une charmante compagne avec lui qui connaît les gens qu’il va voir. Pourquoi je ne pouvais pas laisser cette Neave venir avec moi…

Raymond se moqua de cette dernière remarque.

— Tu penses qu’elle serait intéressée par toi ? Tu l’as vue avec Matilde. De plus, les Pictis seront assez faciles à trouver. Parcours les terres sauvages jusqu’à ce que l’un d’eux te lance quelque chose à la figure.

— Tu plaisantes, répondit Lofen en déglutissant, mais tu te sentiras mal si je reviens criblé de flèches. Je vais tout de même y aller, et je ramènerai ma propre armée, pour voir à quel point nos ennemis apprécieront combattre le peuple sauvage.

Il se retourna et partit en direction de ce qu’ils pensaient être les terres des Pictis, ce qui laissa Raymond attendre seul au croisement. Comparé à ses frères, il avait presque hérité de la tâche la plus facile : persuader des gens déjà mécontents à travers le royaume de se joindre à leur cause. Après tant d’années d’abus de la part des nobles servant le Roi Carris, ils devraient être en train d’attendre l’étincelle de ses paroles, prêts à s’enflammer comme de l’amadou.

Malgré tout, alors que Raymond tournait son cheval en direction d’un des villages et le poussait dans un galop, il se surprit à regretter que ses frères ne soient pas venus avec lui.

***

Le premier village était un endroit si petit qu’il n’aurait probablement pas mérité de figurer sur la plupart des cartes. Il avait un nom, Byesby, et quelques maisons, et c’était tout. C’était à peine plus qu’une ferme qui aurait prospéré, vraiment, sans même une auberge pour rassembler les gens du coin. Le mieux que l’on puisse dire, c’est qu’au moins il n’y avait pas de gardes dans les parages, au service d’un dirigeant local, qui pourrait essayer d’empêcher Raymond de rassembler les gens.

Il se rendit au centre de l’endroit, qui semblait être marqué par un poteau en bois bas pour afficher les messages, placé près d’un puits qui n’avait manifestement pas été entretenu depuis un certain temps. Il y avait quelques personnes qui s’affairaient dans la rue, et d’autres sortirent alors que Raymond était assis sur son cheval. Ils n’avaient probablement pas vu beaucoup de gens en armure passer par ici. Peut-être même pensaient-ils qu’il avait été envoyé par quelque noble qui revendiquait l’endroit.

— Écoutez-moi, cria Raymond du haut de son cheval. Rassemblez-vous, vous tous !

Lentement, les gens commencèrent à se manifester. Raymond avait côtoyé plus de gens sur les champs de batailles, mais il se rendit compte, au fur et à mesure qu’ils l’entouraient, qu’il n’avait jamais eu à parler devant autant de monde auparavant. À ce moment-là, sa bouche était sèche, ses paumes moites.

— Qui es-tu ? demanda un homme qui avait l’air assez costaud pour être forgeron. Nous n’avons pas le temps pour les voleurs et les bandits ici.

Il tenait un marteau comme pour insister sur le fait qu’ils n’étaient pas sans défense.

— Alors c’est aussi bien que je ne sois ni l’un ni l’autre ! lui répondit Raymond en criant. Je suis là pour vous aider.

— À moins que tu n’aies l’intention de nous prêter main forte pour la récolte, je ne vois pas comment tu pourrais nous aider, intervint un autre homme.

L’une des femmes les plus âgées regardait Raymond de haut en bas.

— Je pourrais bien penser à quelques façons.

Ces simples mots suffirent à déstabiliser Raymond, répandant à travers son corps la chaleur de l’embarras. Il tenta de se ressaisir, et c’était au moins aussi difficile que d’affronter un bretteur.

— N’avez-vous pas entendu que le vieux duc et son fils Altfor ont été renversés ? poursuivit Raymond.

— Qu’est-ce que ça a à voir avec nous ? demanda le forgeron. D’après la façon dont les gens hochaient la tête quand il parlait, Raymond eut le sentiment qu’il était celui qu’il devrait convaincre. Nous sommes sur les terres de Lord Harrish.

— Lord Harrish, qui vous saigne à la manière des autres nobles, retorqua Raymond. Il savait qu’il y avait des nobles plus justes comme Earl Undine, mais d’après ce dont il se rappelait du souverain de ces terres, il n’en faisait pas partie. Combien de fois faudra-t-il qu’ils aillent dans vos villages, qu’ils vous volent, avant que vous ne leur disiez que c’en est assez ?

— Nous serions bien sots de faire une chose pareille, rappela le forgeron. Il a des soldats.

— Et nous avons une armée ! ajouta Raymond. Vous avez entendu dire que le vieux duc avait été renversé ? Nous l’avons fait, au nom du roi légitime, Royce !

Dans son imagination, sa voix avait explosé. En réalité, Raymond pouvait voir certaines personnes à l’arrière qui s’efforçaient de l’entendre.

— Tu es Royce ? s’interrogea le forgeron. C’est toi qui prétends être le fils du vieux roi ?

— Non, non, corrigea rapidement Raymond. Je suis son frère.

— Tu es donc aussi le fils du vieux roi ? demanda le forgeron.

— Non, je ne le suis pas, avoua Raymond. Je suis le fils d’un villageois, mais Royce est…

— Eh bien, décide-toi, s’agaça la vieille femme qui l’avait tant embarrassé. Si ce Royce est ton frère, alors il ne peut pas être le fils du vieux roi. Cela va de soi.

— Non, vous ne comprenez pas, dit Raymond. S’il vous plaît, écoutez-moi, donnez-moi une chance de tout expliquer, et…

— Et quoi ? dit le forgeron. Tu nous diras combien ce Royce vaut la peine qu’on le suive ? Tu nous diras comment on devrait mourir dans la guerre de quelqu’un d’autre ?

— Oui ! dit Raymond, avant de réaliser de quoi cela avait l’air. Non, je veux dire… Ce n’est pas la guerre de quelqu’un d’autre. Cette guerre concerne tout le monde.

Le forgeron n’avait pas l’air très convaincu. Il s’approcha pour s’appuyer contre le puits, se détachant de la foule pour lui faire face et s’y adresser.

— Vraiment ? dit-il en regardant les autres. Vous me connaissez tous, et je vous connais, et nous connaissons tous ces batailles entre nobles. Ils nous prennent pour leurs armées et nous promettent toutes sortes de choses, mais quand tout est fini, c’est nous qui sommes morts, et ils retournent à leurs affaires comme si de rien n’était.

— Royce est différent ! insista Raymond.

— En quoi est-il différent ? demanda le forgeron.

— Parce que c’est l’un des nôtres, répondit Raymond. Il a grandi dans un village. Il sait ce que cela signifie. Il s’en soucie.

Le forgeron rit de bon cœur.

— S’il s’en soucie tant, alors où est-il ? Pourquoi n’est-il pas là, plutôt qu’un garçon prétendant être son frère ?

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