Président Élu - Джек Марс 8 стр.


Mais Susan ne paraissait pas en être arrivée là. Sa voix était ferme, son regard dur et déterminé. Elle était dans une mauvaise passe, mais toujours combative. Luke en fut heureux. Ce serait plus facile de combattre à ses côtés.

Debout près du vaste écran de projection, Kurt secoua sa tête parfaitement chauve.

– Non. Tu es un témoin capital dans cette affaire, mais pas un suspect. La police de Washington DC – plus précisément la brigade criminelle – a simplement requis un interrogatoire. Ils aimeraient que tu te rendes à leur quartier général. Tu auras avec toi ton conseiller juridique, disponible à tout moment. Cela dit, si tu leur accordes un interrogatoire, tu pourrais devenir suspecte pendant son déroulement. À ce moment-là, ils pourraient t’arrêter.

Kurt jeta un œil au conseiller juridique de la Maison-Blanche, un homme en costume trois-pièces très collet monté, coiffé d’une tignasse blond-roux et flanqué de deux assistants.

– Diriez-vous que c’est correct, Howard ? s’enquit-il.

Ce dernier hocha la tête.

– Je ne leur accorderais pas d’interrogatoire pour le moment, et certainement pas en personne. Pas ici, et en aucun cas dans leurs locaux. Si vous y allez, vous pourriez avoir du mal à en ressortir, surtout dans le climat actuel. S’ils veulent vous interroger, ils peuvent le faire par téléphone ou peut-être par visioconférence. Vous êtes occupée, Susan. Vous êtes la présidente des États-Unis. Vous désirez assumer vos responsabilités dans cette affaire, mais vous avez aussi beaucoup à faire.

– Est-ce que ça ne donnera pas l’impression que Susan est coupable ? avança un jeune homme en costume bleu et cheveux en brosse.

Il était assis juste en face de Luke à la table de conférence. Il avait l’air d’avoir dix-neuf ans – en ce sens que beaucoup de jeunes de dix-neuf ans ont l’air d’avoir encore douze ans.

– Je veux dire, nous n’avons rien à cacher ici. Je suis très confiant, ajouta-t-il.

– Agent Stone, dit Susan, connaissez-vous mon directeur de campagne, Tim Rutledge ?

Luke secoua la tête.

– Je n’ai pas eu ce plaisir.

Tous deux se serrèrent la main par-dessus la table. Rutledge avait une poigne ferme, voire trop ferme, comme s’il avait lu quelque part qu’avoir une poigne ferme était important. Il dévisagea Luke.

– Et quel est votre rôle ici, agent Stone ?

Luke lui retourna son regard. Il se dit que la meilleure réponse était la franchise.

– Je n’en sais rien.

– L’agent Stone est membre des opérations spéciales, précisa Susan. Il m’a sauvé la vie plus d’une fois, ainsi que celle de ma fille. Et il a sans doute sauvé la vie de quiconque dans cette pièce à un moment ou un autre.

– Pour qui travaillez-vous ? demanda Rutledge.

Luke haussa les épaules.

– Je travaille pour la présidente.

Il ne voyait aucun intérêt à aborder son passé, la Special Response Team, la Delta Force, tout cela. Si ce gars voulait savoir, il n’avait qu’à chercher. En vérité, Luke se sentait bizarrement déconnecté de ce qu’il avait été autrefois. Il ne savait pas trop ce qu’il pourrait faire de bien ici.

– Eh bien, je travaille aussi pour la présidente, déclara Rutledge. Et je peux vous dire que ces allégations, quelles qu’elles soient, sont fausses. Pas un mot n’est vrai. Susan n’a rien à voir avec le meurtre de cet homme, ni la campagne, ni Pierre. Il n’y a pas eu de corruption. Il n’y a pas eu de paiement pour détourner les œuvres de charité de Pierre. Je le sais parce qu’au début de la campagne, nous avons fouillé à fond pour chercher les points faibles, pour trouver des cadavres dans les placards. Financièrement, il n’y en avait pratiquement aucun. Je sais qu’il y a eu des problèmes personnels, et il est possible qu’ils aient joué un rôle dans le résultat de l’élection, mais Pierre est l’homme d’affaires le plus clean que j’ai jamais rencontré.

– Connaissiez-vous la victime ? demanda Kurt.

Rutledge haussa les épaules.

– Le connaître ? Non. J’ai entendu parler de lui. Mais je ne l’ai jamais rencontré, ne lui ai jamais parlé. Le chef de la sécurité de Pierre a averti la campagne de l’existence de ce type il y a peut-être neuf mois. Il y avait eu plusieurs tentatives de piratage des bases de données de la société, toutes remontant jusqu’à l’agence d’enquête de Norman. C’était plutôt du travail d’amateur. À partir de là, le personnel de Pierre a déterminé que Norman travaillait pour Monroe, mais personne ne s’en est trop inquiété. Et nous n’allions certainement pas l’assassiner. Comme je l’ai dit, il n’y avait rien à trouver pour lui. Vous devez vous rappeler que tout cela s’inscrivait dans le contexte de l’été dernier, lorsque nous savions tous que le peuple n’allait jamais élire un fou comme Jefferson Monroe président des États-Unis.

À trois places de Rutledge, quelqu’un leva la main. C’était un homme d’âge moyen, à l’air maladif et aux cheveux clairsemés. Il avait un long nez et pas vraiment de menton. Son corps maigre manquait totalement de tonus musculaire. Il portait un costume gris mal ajusté dans lequel il semblait flotter. Mais il avait des yeux très, très durs. Voici au moins une personne dans cette salle qui n’avait visiblement pas peur.

Bizarrement, il portait un autocollant Bonjour, mon nom est sur le devant de son costume. Dessous était griffonné avec un gros marqueur noir Brent Staples.

Luke le connaissait de nom. C’était un stratège de campagne de la vieille école, qui travaillait dans les relations publiques. Luke pensait que Susan et lui s’étaient disputés à un moment donné, mais qu’ils avaient dû se réconcilier pour la campagne. Cela avait beaucoup apporté à Susan.

– Je n’aime pas dire ça, déclara-t-il (mais Luke devina qu’en fait il s’en délectait, quoi que ce fût), mais Jefferson Monroe a l’air de moins en moins fou, alors que tout le monde dans cette pièce le paraît de plus en plus.

– Que voulez-vous dire par là, Brent ? releva Susan.

– Je veux dire que vous risquez à nouveau de vous isoler, Susan. Vous êtes toute seule dans une situation très délicate. Je veux dire que vous vous isolez du peuple américain. Du point de vue de l’homme de la rue, vous avez perdu l’élection, et ça fait mal. Il se pourrait bien qu’il y ait malfaisance de la part de votre adversaire. Mais personne ne sait si c’est vraiment vrai, et si ça l’est, personne ne sait quel en a été l’impact sur le résultat. En attendant, vous dites que vous ne vous retirerez pas. De plus, un homme qui enquêtait sur vous a été assassiné. Et il semble que vous penchez pour éviter l’interrogatoire de la police. Ma question est la suivante : qui commence à ressembler au criminel ici ? Qui commence à avoir l’air fou ?

Kat Lopez se tenait dans un coin de la salle. Elle secoua la tête et fusilla Brent Staples du regard.

– Brent, vous dépassez les bornes. Vous savez bien que Susan n’a tué personne. Vous savez que c’est un cirque imaginé par Monroe et son homme de main Gerry O’Brien.

– Je vous dis à quoi ça ressemble, rétorqua Staples. Pas ce qu’il en est. J’ignore ce qu’il en est, et de toute façon ça n’a guère d’importance. Ce qui compte, c’est à quoi ça ressemble.

Ses yeux durs scrutèrent chacun dans la salle, le défiant de le contredire.

Le jeune Tim Rutledge releva le défi :

– Il me semble qu’ils ont assassiné l’enquêteur pour faire porter le chapeau à Susan. Il me semble qu’ils ont volé l’élection grâce à une fraude électorale et en trafiquant le matériel. Voilà à quoi ça ressemble selon moi.

Finalement Luke décida d’intervenir. Il se rendait compte à présent ce qui n’allait pas dans toute cette réunion, et qu’il pourrait aussi bien le signaler. Peut-être que ça les aiderait.

– Il me semble à moi, dit-il lentement, que vous devriez reprendre l’initiative.

Tous les regards dans la salle se tournèrent vers lui.

– Voyez ça comme un combat, une bataille. Ils vous ont fait fuir. Ils vous ont mis en déroute. Ils font quelque chose, et vous réagissez. Au moment où vous réagissez, ils font déjà autre chose. Ils sont à l’attaque, et vous êtes dans une retraite désorganisée. Vous devez trouver un moyen de les attaquer, les mettre sur la défensive et reprendre l’initiative.

– En faisant quoi ? rétorqua Brent Staples.

Luke haussa les épaules.

– Je ne sais pas. Ce n’est pas votre boulot ?

Pendant quelques minutes, Kurt Kimball s’était isolé dans un coin avec deux assistants. Quelque chose l’avait manifestement dérangé. Il revenait à présent dans la salle.

– J’aime bien votre idée, Stone. Mais ça va être dur de reprendre l’initiative en ce moment.

Stone haussa un sourcil.

– Ah ? Pourquoi ça ?

– On vient d’apprendre qu’au moins une centaine de policiers de Virginie-Occidentale et que la police municipale de Wheeling sont en route vers Washington, en un long convoi. Ils ont l’intention de venir directement à la Maison-Blanche pour placer Susan en détention provisoire et l’amener eux-mêmes au quartier général de la police de Washington DC.

– Ils n’en ont pas la compétence, intervint Howard, le conseiller de la Maison-Blanche. Est-ce qu’ils ont perdu la tête ?

– On dirait que tout le monde a perdu l’esprit aujourd’hui, dit Kurt. Et ils revendiquent leur compétence, aussi minime soit-elle.

– Quelle est-elle ?

– Ces deux forces de police, ainsi qu’une douzaine d’autres des États voisins, sont habituellement désignées tous les quatre ans comme flics auxiliaires à Washington DC pour assurer la sécurité en cas de débordements lors de l’investiture présidentielle. Ils prétendent que ça fait d’eux des adjoints permanents.

Howard secoua la tête.

– Ce n’est pas soutenable devant un tribunal. C’est idiot.

Kurt leva les mains en l’air, comme si Howard pointait un pistolet sur lui.

– Soutenable ou pas, ils sont en route. Apparemment, ils croient qu’ils vont entrer ici, prendre Susan et repartir avec elle.

Il y eut une longue pause. Personne ne parlait dans la salle. Le silence planait tandis qu’ils se dévisageaient l’un l’autre.

– Ils seront là dans trente minutes, ajouta Kurt.

CHAPITRE TREIZE

12:14, heure avancée de l’Est

À l’extérieur de la Maison-Blanche

Washington DC


– Personne ne pénètre à l’intérieur, annonça le grand type dans son talkie-walkie. Est-ce que c’est clair ? Je veux que le personnel soit centré sur le corps de garde, mais je veux aussi des yeux dans le ciel qui surveillent toutes les entrées possibles. Et des tireurs sur le toit.

– Bien reçu, grésilla une voix dans l’appareil.

– Dites à ces tireurs qu’ils ont le feu vert pour l’usage de la force meurtrière. Je répète, feu vert pour la force meurtrière, mais seulement si nécessaire.

– Sous quelle autorité ?

– La mienne, répondit l’homme. Mon autorité.

– Capté, confirma la voix.

Le grand type s’appelait Charles « Chuck » Berg. Âgé de 40 ans, il était dans le Secret Service depuis près de quinze ans. Il avait été le chef du détachement à la sécurité intérieure de la présidente pendant plus de deux ans. Il était arrivé à ce poste par accident, à la suite d’une catastrophe. Il était membre de son service de sécurité personnel le soir de l’attaque de Mount Weather, alors qu’elle était vice-présidente. Il lui avait sauvé la vie, sans nul doute. Tous les autres membres de l’équipe avaient été tués.

Il avait changé cette nuit-là. Il s’en rendait compte, rétrospectivement. Il avait déjà 37 ans, occupait un emploi à haut niveau de responsabilité, était marié avec deux enfants – mais en un sens, ce fut cette nuit-là qu’il devint un homme. Qu’il devint ce qu’il était censé être. Avant cela ? C’était juste un grand gars ayant un job lui permettant de porter un flingue.

Après cette nuit-là, Susan lui avait fait confiance. Et c’était réciproque. De plus, il se sentait protecteur à son égard – et pas seulement parce que ça faisait partie de son boulot. Bien qu’il soit plus jeune qu’elle d’une dizaine d’années, il avait presque l’impression d’être son grand frère.

La survie – sauver la vie de quelqu’un – était un acte intime.

Il savait qu’il n’y avait rien derrière ces accusations de corruption ou de meurtre. Et il serait tombé bien bas s’il laissait quiconque entrer pour arrêter la présidente des États-Unis – surtout une bande d’abrutis brandissant un faux mandat d’arrêt hors de toute revendication de compétence sérieuse.

Après avoir fait à pied un contrôle du périmètre, il remontait l’allée vers la Maison-Blanche. Juste devant lui, une douzaine d’hommes lourdement armés en complets-vestons marchaient d’un pas vif le long de la chaussée. C’était une journée froide mais ensoleillée. Les ombres des hommes sur le sol révélaient des fusils et carabines à gros calibre pointant sur leurs flancs.

Le corps de garde était juste devant, protégé par des plots en béton. La barrière arborait à la fois un panneau STOP et un écriteau ENTRÉE INTERDITE. D’autres hommes en costume se tenaient près de l’entrée. Leur attitude était tendue, en alerte. Ils avaient l’aspect rembourré de ceux qui portent des protections ou des gilets pare-balles sous leurs habits.

Des engins de chantier posaient des barrières plus hautes, plus massives et plus lourdes devant celles qui existaient déjà. Ils étaient en train d’y mettre la touche finale. Ces nouvelles barrières formaient une goulotte étroite, qui était aussi une chicane toute en virages serrés à droite et à gauche. Elle obligeait tout véhicule à ralentir jusqu’à rouler au pas. Elle était infranchissable par des véhicules plus larges comme des camions ou des Humvees.

ATTENTION, ACCÈS RESTREINT, avertissait un panneau. CONTRÔLE D’IDENTITÉ OBLIGATOIRE.

Il n’y aurait aucun contrôle d’identité aujourd’hui. Personne n’entrait ni ne sortait.

Non loin, à deux cents mètres environ, des hommes en uniforme noir se mettaient en position sur le toit de la Maison-Blanche. Ces types-là, c’était du sérieux, Berg le savait. Les tireurs. Des snipers du Secret Service, chacun d’entre eux pouvant facilement, à cette distance, lui loger une balle en plein cœur.

Un hélicoptère Black Hawk décolla d’un héliport situé derrière un bosquet, sur le terrain de la Maison-Blanche. Il se dirigea d’abord vers l’est, puis vira doucement vers le nord. Des snipers étaient installés devant ses portières ouvertes.

C’était là juste la défense visible. Plus de cent hommes et femmes gardaient le périmètre, y compris des unités militaires. Aucun centimètre de la clôture ou des murs autour du domaine n’était hors surveillance. En plus des Black Hawks qui tournaient en rond, trois hélicoptères de combat Apache survolaient le fleuve Potomac. Ces Apaches pouvaient détruire toute la ligne d’approche des véhicules de police en quelques secondes.

C’était un match inégal entre tous : les champions de la NBA contre une équipe B locale de collégiens.

Chuck sortit son portable. Il avait en numéro abrégé ce shérif cinglé de Wheeling, Virginie-Occidentale. Ce type était-il en mission-suicide ? Chuck allait bientôt le découvrir.

Le téléphone sonna trois fois.

– Paxton, répondit l’homme.

Sa voix profonde et graveleuse était légèrement traînante ; pas vraiment du sud, plutôt celle d’un péquenaud des Appalaches.

Chuck se l’imagina dans son esprit. Il avait demandé des renseignements sur le shérif dès qu’il avait appris leur arrivée. Bobby Paxton était un homme trapu dans la cinquantaine, un ex-Marine qui arborait encore une coupe en brosse. Il était réputé être pragmatique, un homme d’ordre et de droit. De plus, pendant des années, son service avait été tracassé par des plaintes pour brutalité policière, en particulier contre de jeunes hommes noirs en détention.

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