L’Assassin Zéro - Джек Марс 7 стр.


“Agent Steele,” dit une voix profonde dans le téléphone, assez sérieuse pour suggérer qu’ils allaient passer les politesses habituelles. “Alina m’a dit que vous aviez l’air stressé. Quel est le souci ?”

“Dr. Guyer,” dit Zéro. “J’ai besoin d’aide. Je ne sais pas trop ce qui se passe, mais…” Il s’arrêta, saisi par une nouvelle pensée inquiétante. Et si cet appel n’était pas privé ? Et si quelqu’un l’écoutait ? La CIA avait déjà mis ses lignes personnelles sur écoute par le passé. Et s’ils entendaient ça…

Tu deviens paranoïaque. Ne deviens pas cette personne à nouveau.

Pourtant, maintenant que cette idée s’était insinuée dans son esprit, il ne pouvait pas l’en déloger. Il valait mieux se montrer prudent après tout. Il venait juste de retourner à la CIA, et ça lui plaisait, comme s’il avait de nouveau un but dans la vie. Mais s’ils entendaient tout ça, les choses pourraient changer très vite pour lui… Et il ne voulait pas revivre cet épisode apathique dépressif dans lequel il s’était trouvé pendant quinze mois.

“Agent Steele ? Vous êtes toujours là ?”

“Oui, désolé.” Zéro fit de son mieux pour garder une voix calme en prononçant, “J’ai, euh… quelques soucis à me souvenir de certaines choses.”

“Hum,” dit pensivement Guyer. “À court terme ou long terme ?”

“Je dirais plutôt à long terme.”

“Et vous pensez que c’est un… problème ?” Guyer choisissait soigneusement ses mots. Zéro se demanda si le médecin pensait, comme lui, que leur conversation était peut-être écoutée. Quelqu’un comme Guyer pourrait avoir de gros ennuis pour ce qu’il avait fait… certainement être radié de l’ordre des médecins, voire même faire de la prison.

“Je dirais que je devrais planifier ce voyage pour venir vous voir au plus vite,” répondit Zéro.

“Je vois.” Guyer se tut et, durant ce silence pesant, Zéro eut la certitude que le médecin s’efforçait d’être aussi prudent que lui. “Eh bien, il se trouve que vous avez de la chance. Vous n’aurez pas besoin de venir me voir chez moi. J’assiste à une conférence la semaine prochaine à l’hôpital Johns-Hopkins de Baltimore. Je pourrai vous voir là-bas. Je suis sûr que l’un de mes collègues me prêtera volontiers une salle d’examen.”

“Parfait.” Finalement, un semblant de soulagement arriva. Il faisait confiance au médecin pour faire ce qu’il faudrait… ou du moins être en mesure de lui expliquer ce qui se passait dans sa tête. “Envoyez-moi les infos, et je vous retrouverai là-bas.”

“Entendu. Au revoir, Agent Steele.” Guyer raccrocha, et Zéro s’assit lourdement sur le bord de son lit. Ses mains tremblaient toujours et le sol de sa chambre était encombré de toute cette nostalgie éparpillée

Peut-être que c’était normal, se dit-il. Peut-être que le rêve m’a ébranlé et que ce n’était qu’un bref oubli au réveil. Peut-être que j’ai paniqué pour rien.

Bien sûr, il ne croyait pas vraiment à tous les mensonges qu’il pouvait se raconter.

Mais malgré ce qui se passait dans sa tête, il fallait que la vie continue. Il se força à se lever, à enfiler un jean et une chemise. Il remit les objets dans sa boîte, la ferma à clé et la remit sous le lit.

Dans la salle de bains, il se brossa les dents et se passa de l’eau froide sur le visage avant de traverser le couloir jusqu’à la cuisine, juste à temps pour voir Maya refermer la porte du four et mettre le minuteur.

Zéro fronça les sourcils. “Qu’est-ce que tu fais ?”

Elle haussa les épaules et repoussa les mèches sur son front. “Je mets juste la volaille dans le four.”

Il cligna des yeux. “Tu fais cuire la dinde ? C’est un truc que t’apprend West Point ?”

Maya esquissa un sourire. “Non.” Puis, elle brandit son téléphone. “Mais Google, si.”

“Bon… ok. Dans ce cas, je crois que je vais faire un peu de café.” Il fut à nouveau agréablement surpris de constater qu’elle en avait déjà fait couler. Maya avait toujours été aussi indépendante qu’intelligente. Mais, pour lui, son comportement était presque comme si elle essayait de reprendre du poil de la bête. Il ne put s’empêcher de se demander si elle se sentait aussi impuissante que lui au sujet de Sara. Peut-être était-ce sa façon de montrer son soutien.

Aussi, il décida de ne pas s’en mêler et de la laisser faire comme elle voulait. Il prit un tabouret au comptoir et but son café, essayant de chasser de sa tête ses désagréments du réveil. Quelques minutes plus tard, Sara débarqua dans la cuisine, encore en pyjama, les yeux à moitié ouverts, avec ses cheveux rouge-blonds ébouriffés.

“Bonjour,” dit joyeusement Maya.

“Joyeux Thanksgiving,” ajouta Zéro.

“Mmh,” marmonna Sara en se traînant jusqu’à la cafetière.

“Toujours pas du matin, hein, Pouêt-Pouêt ?” la taquina gentiment Maya.

Sara grommela autre chose, mais il vit l’ébauche d’un sourire sur ses lèvres en entendant son surnom d’enfance. Il sentit une chaleur le gagner intérieurement, et ce n’était pas seulement dû au café. C’était cette sensation dont il avait manqué depuis un certain temps, la sensation d’être vraiment à la maison.

Et puis, évidemment, son téléphone mobile sonna.

L’écran lui indiqua que c’était Maria qui appelait et il fit la grimace. Il avait oublié de lui envoyer l’heure et l’adresse pour venir aujourd’hui. Puis, il paniqua à nouveau. Ce n’était pas son genre d’oublier quelque chose comme ça. Était-ce un autre symptôme de son système limbique malade ? Et s’il ne l’avait pas vraiment oublié, mais que ça avait été éjecté de son esprit, tout comme le prénom de Kate ?

Calme-toi, s’ordonna-t-il. C’est juste une petite absence, rien de plus.

Il prit une profonde inspiration, puis répondit au téléphone. “Je suis vraiment désolé,” dit-il immédiatement. “J’étais censé t’envoyer un message, et ça m’est complètement sorti de la tête…”

“Ce n’est pas pour ça que j’appelle, Kent.” Maria avait l’air grave. “Et c’est moi qui devrais m’excuser, parce que j’ai besoin que tu viennes.”

Il fronça les sourcils. Maya le remarqua et imita son expression, alors qu’il se levait de son tabouret pour s’éloigner dans la pièce adjacente. “Que je vienne ? Tu veux dire à Langley ?”

“Oui, je suis désolée. Je sais que le moment ne pourrait pas être plus mal choisi, mais j’ai un problème et il faut que tu assiste à ce briefing.”

“Je…” Sa première idée fut de refuser catégoriquement. Non seulement, c’était un jour férié, et non seulement il gérait toujours la convalescence de Sara, mais Maya lui rendait visite pour la première fois depuis longtemps. Et il ne parlait même pas de sa profonde inquiétude au sujet de cette terrifiante perte de mémoire. Aussi, Maria avait raison : ça ne pouvait pas plus mal tomber.

Il faillit lâcher, “Je dois vraiment venir ?” mais il tint sa langue par peur que les mots ne sortent sur un ton trop énervé.

“Je n’ai pas envie de faire ça plus que toi,” dit Maria avant qu’il n’ait eu le temps de réfléchir à un moyen de refuser. “Et je ne veux vraiment pas abuser de ma position.” Zéro comprit clairement cette phrase-là : Maria lui rappelait qu’elle était sa boss à présent. “Mais je n’ai pas le choix, ça ne vient pas de moi. Le Président Rutledge t’a demandé personnellement.”

“Il m’a demandé, moi ?” répéta Zéro d’un air étonné.

“Eh bien, il a demandé ‘l’homme qui a dévoilé l’affaire Kozlovsky,’ donc c’est à peu près ça…”

“Il parlait peut-être d’Alan,” suggéra Zéro avec un infime espoir.

Maria rigola doucement, même si ça sortit plus comme un léger soupir. “Je suis désolée, Kent,” dit-elle pour la troisième fois. “Je vais essayer de faire en sorte que le briefing soi court, mais…”

Mais ça veut dire que je vais être envoyé sur le terrain. Le message sous-jacent était clair comme le jour. Et le pire, c’était qu’il n’avait aucune excuse ou alibi pour décliner. Il était sous le joug de la CIA à cause de ce qu’il avait fait, maintenant plus que jamais, et il ne pouvait pas vraiment dire non au président qui était, sans aucun conteste, le boss du boss de sa boss.

“Ok,” concéda-t-il. “Donne-moi trente minutes.” Il raccrocha et gémit doucement.

“C’est bon.” Il se retourna d’un coup, et vit que Maya se tenait juste derrière lui. L’appartement n’était pas assez grand pour que cet appel ait été discret, et il était sûr qu’elle avait pu deviner la nature de la conversation, même en n’ayant entendu que ses paroles à lui. “Va faire ce que tu dois faire.”

“Ce que je dois faire,” dit-il fermement, “c’est rester ici avec Sara et toi. C’est Thanksgiving, nom de dieu…”

“Apparemment, tout le monde n’a pas eu l’info.” Elle faisait la même chose qu’il avait tendance à faire, à savoir noyer le poisson avec un peu d’humour. “C’est bon. Sara et moi allons nous occuper du dîner. Reviens dès que tu pourras.”

Il acquiesça, reconnaissant pour sa compréhension, alors qu’il aurait voulu en dire plus. Mais, finalement, il se contenta de murmurer “Merci” et se dirigea dans sa chambre pour changer de vêtements. Il n’y avait rien de plus à dire, car Maya savait tout aussi bien que lui que sa journée finirait certainement à bord d’un avion, plutôt qu’en train de fêter Thanksgiving avec ses filles.

CHAPITRE SIX

Quiconque songeant à l’expression “L’Amérique du Centre,” aurait des images en tête extrêmement proches de ce qu’on pouvait trouver à Springfield, Kansas. C’était une ville entourée de terres agricoles en pente douce, un endroit où le nombre de vaches dépassait celui des habitants, tellement bas qu’on pouvait rouler longtemps avant de rencontrer âme qui vive. Certains auraient trouvé l’endroit idyllique, d’autres l’auraient qualifié de charmant.

Samara le trouvait dégoûtant.

Il y avait quarante-et-une communes et villes aux États-Unis qui s’appelaient Springfield, ce qui rendait non seulement cette ville banale, mais particulièrement mal inspirée. Sa population était d’environ huit-cents personnes. Sa rue principale était constituée d’un bureau de poste, d’un bar et grill, d’une épicerie, d’une pharmacie et d’un magasin d’alimentation.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, c’était l’endroit idéal.

Samara tira ses cheveux roux flamboyants en arrière et les attacha en queue de cheval, exposant ainsi le petit tatouage sur sa nuque, le simple et unique caractère signifiant “feu” qui se translittérait en Pinyin par Huŏ, le surnom qu’elle avait pris depuis sa défection.

Elle s’appuya contre le camion et entreprit d’examiner ses ongles en attendant le moment venu. Elle pouvait entendre la musique se rapprocher, alors que des adolescents et des jeunes adultes jouaient faux en essayant de suivre le rythme d’une caisse claire. Ils seraient bientôt à son niveau.

Derrière elle, dans la zone de chargement du camion, se trouvaient quatre hommes avec l’arme. L’attaque à La Havane s’était étonnement bien passée, facilement même. Avec un peu de chance, les gouvernements de Cuba et des USA penseraient qu’il s’était agi d’un coup d’essai, alors que leur arme avait déjà été totalement testée. Le but de l’attaque à La Havane était bien plus que ça : il s’agissait d’introduire le chaos, de semer la zizanie, de présenter l’illusion d’un avertissement qui faisait se gratter les têtes et se questionner les puissances de ce monde.

Non loin d’elle, Mischa était assise sur le trottoir derrière le camion coloré, arrachant paresseusement les mauvaises herbes qui s’étaient frayé un chemin à travers les fissures de la chaussée. Cette fille de douze ans était généralement calme, consciencieusement silencieuse et délicieusement mortelle. Elle portait un jean, des sneakers blanches et, c’en était presque drôle, un sweatshirt bleu à capuche avec le mot BROOKLYN imprimé en lettres blanches sur le devant.

“Mischa.” La fille leva ses yeux verts ternes et passifs. Samara tendit son poing fermé, et la fille ouvrit la main. “Il est bientôt l’heure,” lui dit Samara en russe, alors qu’elle déposait deux objets dans sa petite paume : des oreillettes électroniques spécialement conçues pour contrecarrer une fréquence particulière.

L’arme en elle-même était banale, et même laide. En la voyant, la plupart des gens n’auraient pas su ce que c’était et auraient eu du mal à croire qu’un tel objet soit une arme… ce qui ne faisait que jouer en leur faveur. La fréquence était émise par un large disque de métal d’un mètre de diamètre et de plusieurs centimètres d’épaisseur, produisant des ondes sonores ultra-basses dans un cône unidirectionnel. Le plus puissant de ses effets se produisait sur une portée d’environ cent mètres, mais les effets délétères de l’arme pouvaient être ressentis jusqu’à trois-cents mètres de distance. Le lourd disque était monté sur un dispositif pivotant qui non seulement le maintenait droit comme une antenne parabolique, mais qui lui permettait aussi de tourner dans n’importe quel sens. Le dispositif était à son tour soudé à un chariot en acier équipé de quatre roues épaisses, contenant également la batterie lithium-ion qui alimentait l’arme. La batterie à elle seule pesait trente kilogrammes et, en incluant le chariot, l’arme supersonique pesait cent-trente-six kilos, raison pour laquelle ces armes étaient généralement montées sur des bateaux ou sur des Jeeps.

Mais fixer leur arme à un véhicule l’aurait rendue bien moins mobile et bien moins discrète, raison pour laquelle il y avait quatre hommes dans le camion. Chacun d’eux était un mercenaire surentraîné mais, pour elle, ils n’étaient bons qu’à déplacer l’arme. Si celle-ci avait été plus légère et plus maniable, Samara et Mischa auraient pu gérer cette opération elles-mêmes, elle en était persuadée. Mais elles devaient travailler avec les moyens du bord, et l’arme était aussi compacte que possible par rapport à sa grande puissance.

Samara avait été légèrement préoccupée par la logistique mais, jusqu’ici, ils n’avaient rencontré aucun souci. Immédiatement après l’attaque à La Havane, ils avaient chargé l’arme à l’aide d’une rampe sur un bateau qui les avait conduits au Nord, jusqu’à Key West. Au petit aérodrome, ils l’avaient rapidement transférée dans un avion-cargo de taille moyenne qui les avait emmenés à Kansas City. Tout avait été organisé des semaines plus tôt, acheté et payé. Maintenant, tout ce qu’ils avaient à faire était de mettre leur plan minutieux à exécution.

Samara s’avança de manière naturelle jusqu’au croisement, tandis que la musique de la fanfare en marche augmentait. Elle était en vue maintenant, et avançait à sa rencontre. Le camion était garé sur le trottoir devant l’épicerie, à deux voitures de distance de l’angle où des cônes orange bloquaient la route pour le trajet de la parade.

Samara avait fait ses recherches. L’Université de Springfield faisait une parade chaque année, le jour de Thanksgiving, menée par cette fanfare mobile qui suivait un circuit sur trois kilomètres en partant du parc local et en traversant la ville avant de retourner au lieu de départ. Au premier rang de la parade se trouvait un groupe frappant sur des tambours avec des majorettes agitant en rythme les bâtons dans leurs poings. Derrière eux, suivait la minuscule équipe de football de l’université et leur bande de pom-pom girls. Ensuite, venait un cabriolet avec le maire de Springfield et sa femme. Derrière eux se trouvaient la caserne de pompiers locale. Pour fermer la marche, il y avait des membres de la faculté et l’association d’athlétisme.

Tout ceci était tellement américain que c’en était écœurant.

“Mischa,” répéta Samara. La fille hocha la tête et fourra les oreillettes électroniques dans ses oreilles. Elle se releva du trottoir et se mit en position près de la cabine du camion, appuyée contre la portière côté conducteur pour éviter la portée de la fréquence.

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