L’Assassin Zéro - Джек Марс 9 стр.


“Très bien, c’est déjà quelque chose,” fit constater Strickland qui avait apparemment réfréné ses élans de protestation. “Donc on va à La Havane, on recherche le bateau, on trouve à qui il est, où il allait, où il est maintenant, et on suit la piste.”

Maria acquiesça. “En gros, c’est ça. Bixby travaille sur une technologie qui pourrait vous être utile. Et je ne veux pas me montrer pressante, mais le Président Rutledge a utilisé les mots ‘aussi vite que possible’ dans son ordre, donc…”

“Est-ce qu’on peut se parler ?” dit soudain Zéro avant que Maria n’ait pu leur donner le feu vert officiel pour agir. “En privé ?”

“Non,” répondit-elle simplement.

“Non ?” Zéro cligna des yeux.

Elle soupira. “Je suis désolée, Kent. Mais je sais ce que tu vas me dire, et je sais que si tu le dis, je vais probablement céder et tenter de te sortir de cette affaire. Mais l’ordre est venu du président. Pas de moi, ni du Directeur Shaw…”

“Et où est le Directeur Shaw en ce moment ?” demanda Zéro sur un ton énervé. “Chez lui, je suppose ? En train de se préparer à fêter Thanksgiving en famille ?”

“Oui, Zéro, c’est exactement ça,” répondit-elle fermement. Elle ne l’avait jamais appelé Zéro. Venant d’elle, c’était comme si elle l’engueulait. “Parce que ce n’est pas son boulot d’être là. C’est le tien. Tout comme c’est mon boulot de me mouiller pour toi, encore et encore. Mon boulot est aussi de te dire où tu dois aller et ce que tu dois faire.” Elle tapa deux fois du doigt sur la tablette. “Voilà où tu vas et ce que tu vas faire.”

Zéro baissa les yeux vers l’écran lisse et poli qui reflétait son image. Il avait bêtement cru que Maria et lui pourraient rester amis après tout ce qu’ils avaient traversé. Mais voilà comment ça allait finir : elle était sa patronne et il vivait mal le fait qu’elle lui donne des ordres.

Il n’aimait pas du tout cette sensation, et encore moins l’idée que le président ordonne qu’il prenne part à cette affaire. Selon lui, c’était un gâchis monumental de ses compétences. Mais il garda ces pensées pour lui.

“Regardez les choses en face.” Le ton de Maria s’était radouci, mais elle ne regardait directement aucun d’eux deux. “Nous avons une guerre commerciale contre la Chine sur les bras. Nos liens avec la Russie sont presque rompus. L’Ukraine est remontée contre nous. La Belgique et l’Allemagne sont toujours en colère depuis le mois dernier parce qu’ils pensent qu’on a mené une opération non autorisée. Personne ne croit en notre leadership… et encore moins nos propres citoyens. Nous n’avons même pas encore de vice-président.” Elle secoua la tête. “Nous ne pouvons pas permettre la possibilité d’une attaque sur le sol américain, même si c’est juste une possibilité. Pas si on peut l’empêcher.”

Zéro voulait protester. Il voulait pointer du doigt le fait que l’efficacité de deux hommes, hautement entraînés ou pas, était quand même bien pâle à côté de l’effort coopératif des différentes autorités. Il pouvait tout à fait comprendre pourquoi ils n’en faisaient pas un sujet public mais, quand même, s’ils voulaient vraiment trouver ces gens et s’ils pensaient réellement qu’une attaque aux USA était probable, ils auraient pu diffuser une note aux autorités, en commençant par les zones côtières de la Floride, de la Louisiane, du Texas, les cibles potentielles les plus probables en prenant en considération l’attaque de La Havane. Faire en sorte que le gouvernement cubain enquête sur le bateau disparu. Qu’ils travaillent ensemble, comme il se devaient de le faire, afin de protéger leurs citoyens respectifs et qui que ce soit d’autre pouvant être potentiellement touché.

Et Zéro était sur le point de le suggérer à voix haute quand, avant qu’il n’en ait eu le temps, le téléphone mobile de Maria sonna.

“Une seconde,” leur dit-elle avant de répondre avec son typique : “Johansson.”

Puis, son visage se figea et son regard croisa celui de Zéro. Il avait déjà vu cette expression plusieurs fois… beaucoup trop de fois même. C’était une expression choquée et horrifiée.

“Envoyez-moi toutes les infos,” dit Maria au téléphone, d’une voix grave. Elle raccrocha, et il savait déjà ce qu’elle allait leur dire avant même qu’elle ne le prononce.

“Il y a eu une attaque sur le sol américain.”

CHAPITRE HUIT

Déjà ? Zéro fut estomaqué par la vitesse avec laquelle une deuxième attaque avait eu lieu. Il avait clairement sous-estimé la gravité de la situation.

Mais il fut encore plus choqué quand Maria leur annonça elle avait eu lieu.

“L’attaque a eu lieu dans une petite ville du Midwest.” Maria regardait l’écran de la tablette, lisant tous les documents qu’elle avait reçus. “Un endroit du nom de Springfield, au Kansas… huit-cent-quarante-et-un habitants.”

“Au Kansas ?” répéta Zéro. S’ils avaient fait le chemin jusqu’au Kansas depuis La Havane, ça voulait dire… “Ils ont forcément voyagé par avion.”

“Ce qui signifie que c’était prévu,” ajouta Strickland. Le jeune agent se leva soudain, comme s’il pouvait faire quoi que ce soit en ce moment-même. “Mais pourquoi ? Quel pouvait bien être leur but en attaquant une petite ville rurale du Kansas ?”

“Aucune idée,” murmura Maria. Puis, elle couvrit sa bouche à deux mains. “Oh mon dieu.” Elle leva des yeux écarquillés vers Zéro. “Il y avait une parade. Des étudiants, des familles… des enfants.”

Zéro prit une profonde inspiration, s’efforçant de mettre mentalement de la distance entre la part en lui qui était père et ancien professeur, et la part en lui qui était agent. “Quels sont les dégâts ?”

“On ne sait pas encore,” répondit Maria en regardant de nouveau la tablette. “Ça vient juste de se produire. Le premier appel au 911 a été passé il y a vingt-trois minutes. Mais…” Elle déglutit. “Les rapports initiaux des premiers secours font état de seize morts sur les lieux de l’attaque, même si c’est certainement plus.”

Strickland faisait les cent pas le long de la petite salle de conférence, comme un lion qui attend de sortir de sa cage. “Si ça se trouve, certaines des pertes ne sont pas entièrement le résultat de l’arme. Certaines doivent être dues à la panique.”

“Mais c’est peut-être justement le but,” murmura Zéro.

“Attendez, on a une vidéo qui vient d’arriver.” Maria inclina la tablette, et les deux hommes se rapprochèrent d’elle afin de voir. Elle appuya sur lecture et l’écran afficha la perspective tremblante de quelqu’un en train de filmer avec un téléphone mobile. La scène montrait l’artère principale de la petite ville, avec l’angle de la caméra dirigé vers le haut de la rue, montrant les trottoirs couverts de monde et de chaises des deux côtés de l’avenue.

De l’angle de la rue, arrivait un groupe de jeunes gens en uniformes verts et blancs, une fanfare frappant en rythme sur des instruments dont la musique se mêlait au bruit des cris et des applaudissements de la foule.

“Ils sont presque là, Ben !” dit une joyeuse voix féminine, sûrement la femme qui tenait le téléphone. “Tu es prêt ? Fais coucou à Maddie !”

La caméra fut brièvement baissée, montrant un petit garçon qui n’avait pas plus de cinq ou six ans, avec un énorme sourire aux lèvres, alors qu’il saluait le groupe en approche. Puis, la caméra se remit à filmer la parade, montrant un groupe de garçons en maillots verts qui arrivait derrière la fanfare : apparemment une équipe de football, jetant par poignées des bonbons contenus dans des seaux.

Un nœud d’effroi se forma dans l’estomac de Zéro, sachant que le désastre était sur le point d’avoir lieu.

La transition ne fut pas soudaine. Elle fut lente et bizarre, se déroulant sur les quelques secondes qui suivirent. Zéro se pencha plus près, avec appréhension, mais en même temps absorbé par ce qu’il voyait.

Tout d’abord, la caméra descendit légèrement, et il entendit à peine la femme qui murmurait, “Est-ce que quelqu’un ressent ça ? Qu’est-ce que c’est… ?”

Presque en même temps, plusieurs membres de la fanfare s’arrêtèrent. Un par un, les instruments cessèrent de jouer, alors que des gémissements et des cris confus remplaçaient les applaudissements.

Une trompette tomba par terre, puis un corps. Les membres de la fanfare trébuchèrent. Derrière eux, les garçons en maillots de football s’arrêtèrent de marcher. La caméra fut fortement secouée, tandis que la femme balayait la zone de gauche à droite, cherchant la source de tout ça, ou essayant peut-être de trouver un sens à ce qui était en train de se produire.

“Ben ?” hurla-t-elle. “Ben !”

Des cris s’élevèrent de la foule qui partait dans tous les sens. En l’espace de deux secondes, Zéro fut témoin d’un chaos absolu. Les gens se piétinaient les uns les autres, se prenaient la tête à deux mains, se pliaient en deux ou tombaient à la renverse. Puis, le téléphone tomba par terre et l’écran devint noir.

“Bon sang,” murmura Strickland.

Zéro se frotta le menton en s’écartant de la table. Il n’avait eu qu’à moitié raison. Il était vrai qu’un seul fusil d’assaut aurait pu faire plus de dégâts, mais ça… une force invisible, une arme cachée, pas d’assaillants en vue : c’était clairement terrifiant. Ça avait tout simplement balayé la rue comme une lente brise, affectant des centaines de personnes en quelques secondes. Si cette vidéo fuitait…

“Est-ce que cette vidéo est publique ?” demanda-t-il.

“J’espère que non,” dit Maria, pensant clairement la même chose que lui. “Elle vient de la police de Springfield qui est…” Elle consulta à nouveau sa tablette. “Constituée de seulement cinq officiers. Nous allons faire ce que nous pouvons de notre côté, mais je doute qu’ils soient capables de garder ça caché.”

“Si ça sort, les gens vont paniquer,” dit Strickland.

“Exactement,” acquiesça Zéro en exprimant sa théorie à haute voix. “À La Havane, ils ont attaqué une zone remplie de touristes. Au Kansas, la route bondée d’une parade. Ce sont des zones pleines de monde qui apparaissent aléatoires. Peut-être qu’ils essaient de prouver que leur arme est juste un catalyseur et que les gens se causent tout autant de dommages les uns aux autres qu’ils ne le font avec leur arme.”

“Donc, après tout, ça pourrait être un message,” dit Strickland, toujours en train de marcher.

C’était la seule chose qui paraissait sensée pour le moment. Une attaque sur une ville si petite était une tentative de faire apparaître leurs cibles comme aléatoires afin de semer la panique et la confusion. “Mais si c’est le cas, que se passera-t-il s’ils utilisent ce truc à New York ? Ou Washington, DC ?”

Strickland s’arrêta de marcher. “Ils nous narguent presque. Ils nous disent que la prochaine cible pourrait être n’importe où, n’importe quand.”

“Jusqu’ici, les autorités locales ne savent pas ce qui s’est passé avec certitude,” annonça Maria. “On dirait qu’il n’y a que nous pour lier ça à l’attaque sonique de La Havane… pour l’instant.”

“Mais dès qu’ils le feront,” ajouta Zéro, “plus personne ne se sentira en sécurité.” Il imaginait déjà la scène : quelque chose d’aussi innocent que de marcher dans une rue fréquentée et d’être piégé par une détonation ultrasonique, sans savoir ce qui se passait, d’où elle venait, ou comment l’arrêter.

C’était une pensée terrifiante, même pour lui.

La tablette de Maria vibra soudain. Zéro regarda par-dessus son épaule et vit qu’il y avait un appel entrant sur le serveur crypté de la CIA. Mais au lieu d’afficher la source, il était simplement inscrit “SÉCURISÉ.”

Maria prit une profonde inspiration avant de répondre. C’était un appel vidéo et une femme brune impeccablement vêtue apparut soudain à l’écran, l’air solennel comme une statue.

“Madame la Directrice Adjointe,” dit la femme en guise de bonjour.

“Madame Halpern.”

Zéro ne reconnut pas le visage de cette femme, mais il connaissait son nom. Tabitha Halpern était la Chef de Cabinet du Président Rutledge à la Maison Blanche. Et il connaissait plutôt bien la pièce où elle se trouvait. Elle était assise en Salle de Crise, un endroit où il s’était déjà rendu à plusieurs reprises.

“Je suis avec le président,” dit Halpern. “Il aimerait vous dire un mot.” Elle tendit la main et fit pivoter l’écran jusqu’à ce qu’on voie apparaître Jonathan Rutledge, assis en bout de table. Il portait une chemise blanche avec les manches remontées jusqu’aux coudes, une cravate bleue mal serrée autour du cou, et une expression abattue sur le visage.

“Monsieur le Président,” dit Maria. “Je suis navrée que vous ayez à venir deux fois dans cette pièce durant la même journée.”

“Alors, vous avez vu ça ?” dit Rutledge en sautant les formalités d’usage.

“Oui, Monsieur, juste à l’instant.”

“Est-ce que c’est lui derrière vous ? Je veux lui parler.”

Zéro n’avait pas réalisé qu’il était partiellement dans l’angle de la caméra… Et s’il avait su qu’il ferait une visioconférence avec le président, il aurait enfilé quelque chose de plus présentable qu’un tee-shirt avec une veste légère. Maria lui passa la tablette et il la tint face à lui.

“Alors, c’est vous qu’on appelle Zéro,” dit simplement Rutledge.

“Oui, Monsieur le Président,” dit-il en hochant légèrement la tête. “C’est dommage que nous nous devions nous rencontrer dans de telles circonstances.”

“Très dommage, en effet.” Rutledge se frotta le menton. Il y avait quelque chose en lui qui semblait… eh bien, qui semblait tout sauf présidentiel pour Zéro. Il avait l’air perdu. Il avait l’air dépassé. “Avez-vous vu la vidéo de l’attaque, Agent ?”

“Oui, Monsieur, à l’instant. ‘Terrible’ est le premier mot qui me vient à l’esprit.”

“Terrible, oui.” Le président acquiesça, le regard vague et lointain. “Vous avez des enfants, Agent Zéro ?”

La question semblait bizarre, en particulier posée à un agent sous couverture dont l’identité était censée être confidentielle, mais Zéro lui répondit. “Oui, j’ai deux filles.”

“Moi aussi, quatorze et seize ans.” Rutledge posa ses coudes sur la table et finit par regarder Zéro dans les yeux, du mieux qu’il pouvait à travers la caméra. “J’ai besoin que vous retrouviez ces gens, que vous retrouviez cette arme et que vous mettiez un terme à tout ça. S’il vous plaît, ça ne peut pas se reproduire encore.”

Même dans des circonstances normales, ce qui était loin d’être le cas, Zéro n’aurait pas été capable de refuser un ordre du Président des États-Unis. Aussi, il n’avait pas besoin que Rutledge l’implore de prendre part aux opérations. Dès que Maria avait annoncé une attaque sur le sol américain, il avait déjà compris qu’il ne pourrait pas refuser. C’était codé dans son ADN. S’il y avait quoi que ce soit qu’il puisse faire, il le ferait.

“Je vais le faire.” Il tourna les yeux vers Strickland et corrigea sa phrase. “Nous allons le faire, Monsieur.”

“Bien. Et dites à Johansson de vous donner toutes les ressources dont vous avez besoin.”

Zéro fronça les sourcils en entendant ça. Une telle insistance dans cette phrase était étrange, surtout qu’elle était plus adressée à Maria qu’à lui.

“Bonne chance,” dit Rutledge, et il coupa brutalement la vidéo.

Zéro repassa la tablette à Maria, qui vérifia immédiatement s’il y avait eu de nouvelles informations sur ce qui s’était passé au Kansas.

Strickland soupira lourdement. “Il y a juste un problème. La Havane est une voie sans issue à présent. Et s’ils peuvent voyager aussi rapidement que ça, il n’y aura probablement rien non plus à trouver au Kansas. Nous en savons encore moins que tout à l’heure pour avancer.”

“Ce n’est pas totalement vrai.” Maria leva les yeux de la tablette. “Un témoin à Springfield, un vieux monsieur, a rapporté avoir croisé une femme dans la rue quelques minutes avant l’attaque : une femme blanche avec des cheveux roux flamboyants, tout comme à Cuba. Et cet homme affirme qu’il l’a entendu parler russe dans une radio.”

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