Арсен Люпен – джентельмен-грабитель / Arsеne Lupin Gentleman-Cambrioleur. Книга для чтения на французском языке - Морис Леблан 4 стр.


 Pas un sou, fichez-moi la paix.

 Fixez votre prix, je suis riche, extrêmement riche.

La brutalité de loffre déconcerta Ganimard qui reprit, plus calme :

 Je suis ici en congé et je nai pas le droit de me mêler

 Personne ne le saura. Je mengage, quoi quil arrive, à garder le silence.

 Oh ! il narrivera rien.

 Eh bien, voyons, trois mille francs, est-ce assez ?

Linspecteur huma une prise de tabac, réfléchit, et laissa tomber :

 Soit. Seulement, je dois vous déclarer loyalement que cest de largent jeté par la fenêtre.

 Ça mest égal.

 En ce cas Et puis, après tout, est-ce quon sait avec ce diable de Lupin ! Il doit avoir à ses ordres toute une bande Êtes-vous sûr de vos domestiques ?

 Ma foi

 Alors, ne comptons pas sur eux. Je vais prévenir par dépêche deux gaillards de mes amis qui nous donneront plus de sécurité Et maintenant, filez, quon ne nous voie pas ensemble. À demain, vers les neuf heures.

* * *

Le lendemain, date fixée par Arsène Lupin, le baron Cahorn décrocha sa panoplie, fourbit ses armes, et se promena aux alentours de Malaquis. Rien déquivoque ne le frappa.

Le soir, à huit heures et demie, il congédia ses domestiques. Ils habitaient une aile en façade sur la route, mais un peu en retrait, et tout au bout du château. Une fois seul, il ouvrit doucement les quatre portes. Après un moment, il entendit des pas qui sapprochaient.

Ganimard présenta ses deux auxiliaires, grands gars solides, au cou de taureau et aux mains puissantes, puis demanda certaines explications. Sétant rendu compte de la disposition des lieux, il ferma soigneusement et barricada toutes les issues par où lon pouvait pénétrer dans les salles menacées. Il inspecta les murs, souleva les tapisseries, puis enfin il installa ses agents dans la galerie centrale.

 Pas de bêtises, hein ? On nest pas ici pour dormir. À la moindre alerte, ouvrez les fenêtres de la cour et appelez-moi. Attention aussi du côté de leau. Dix mètres de falaise droite, des diables de leur calibre, ça ne les effraye pas.

Il les enferma, emporta les clefs, et dit au baron :

 Et maintenant, à notre poste.

Il avait choisi, pour y passer la nuit, une petite pièce pratiquée dans lépaisseur des murailles denceinte, entre les deux portes principales, et qui était, jadis, le réduit du veilleur. Un judas souvrait sur le pont, un autre sur la cour. Dans un coin on apercevait comme lorifice dun puits.

 Vous mavez bien dit, monsieur le baron, que ce puits était lunique entrée des souterrains, et que, de mémoire dhomme, elle est bouchée ?

 Oui.

 Donc, à moins quil nexiste une autre issue ignorée de tous, sauf dArsène Lupin, ce qui semble un peu problématique, nous sommes tranquilles.

Il aligna trois chaises, sétendit confortablement, alluma sa pipe et soupira :

 Vraiment, monsieur le baron, il faut que jaie rudement envie dajouter un étage à la maisonnette où je dois finir mes jours, pour accepter une besogne aussi élémentaire. Je raconterai lhistoire à lami Lupin, il se tiendra les côtes de rire.

Le baron ne riait pas. Loreille aux écoutes, il interrogeait le silence avec une inquiétude croissante. De temps en temps il se penchait sur le puits et plongeait dans le trou béant un œil anxieux.

Onze heures, minuit, une heure sonnèrent.

Soudain, il saisit le bras de Ganimard qui se réveilla en sursaut.

 Vous entendez ?

 Oui.

 Quest-ce que cest ?

 Cest moi qui ronfle !

 Mais non, écoutez

 Ah ! parfaitement, cest la corne dune automobile.

 Eh bien ?

 Eh bien, il est peu probable que Lupin se serve dune automobile comme dun bélier pour démolir votre château. Aussi, monsieur le baron, à votre place, je dormirais comme je vais avoir lhonneur de le faire à nouveau. Bonsoir.

Ce fut la seule alerte. Ganimard put reprendre son somme interrompu, et le baron nentendit plus que son ronflement sonore et régulier.

Au petit jour, ils sortirent de leur cellule. Une grande paix sereine, la paix du matin au bord de leau fraîche, enveloppait le château. Cahorn radieux de joie, Ganimard toujours paisible, ils montèrent lescalier. Aucun bruit. Rien de suspect.

 Que vous avais-je dit, monsieur le baron ? Au fond, je naurais pas dû accepter Je suis honteux

Il prit les clefs et entra dans la galerie.

Sur deux chaises, courbés, les bras ballants, les deux agents dormaient.

 Tonnerre de nom dun chien ! grogna linspecteur.

Au même instant, le baron poussait un cri :

 Les tableaux ! la crédence !

Il balbutiait, suffoquait, la main tendue vers les places vides, vers les murs dénudés où pointaient les clous, où pendaient les cordes inutiles. Le Watteau, disparu ! les Rubens, enlevés ! les tapisseries, décrochées ! les vitrines, vidées de leurs bijoux !

 Et mes candélabres Louis XVI ! et le chandelier du Régent ! et ma Vierge du douzième !

Il courait dun endroit à lautre, effaré, désespéré. Il rappelait ses prix dachat, additionnait les pertes subies, accumulait des chiffres, tout cela pêle-mêle, en mots indistincts, en phrases inachevées. Il trépignait, il se convulsait, fou de rage et de douleur. On aurait dit un homme ruiné qui na plus quà se brûler la cervelle.

Si quelque chose eût pu le consoler, ceût été de voir la stupeur de Ganimard. Contrairement au baron, linspecteur ne bougeait pas lui. Il semblait pétrifié, et dun œil vague il examinait les choses. Les fenêtres ? fermées. Les serrures des portes ? intactes. Pas de brèche au plafond. Pas de trou au plancher. Lordre était parfait. Tout cela avait dû seffectuer méthodiquement, daprès un plan inexorable et logique.

 Arsène Lupin Arsène Lupin, murmura-t-il, effondré.

Soudain, il bondit sur les deux agents, comme si la colère enfin le secouait, et il les bouscula furieusement et les injuria. Ils ne se réveillèrent point !

 Diable, fit-il, est-ce que par hasard ?

Il se pencha sur eux et, tour à tour, les observa avec attention : ils dormaient, mais dun sommeil qui nétait pas naturel.

Il dit au baron :

 On les a endormis.

 Mais qui ?

 Eh lui, parbleu ! ou sa bande, mais dirigée par lui. Cest un coup de sa façon. La griffe y est bien.

 En ce cas, je suis perdu, rien à faire.

 Rien à faire.

 Mais cest abominable, cest monstrueux.

 Déposez une plainte.

 À quoi bon ?

 Dame ! essayez toujours la justice a des ressources

 La justice ! mais vous voyez bien par vous-même Tenez, en ce moment, où vous pourriez chercher un indice, découvrir quelque chose, vous ne bougez même pas.

 Découvrir quelque chose avec Arsène Lupin ! Mais, mon cher monsieur, Arsène Lupin ne laisse jamais rien derrière lui ! Il ny a pas de hasard avec Arsène Lupin ! Jen suis à me demander si ce nest pas volontairement quil sest fait arrêter par moi, en Amérique !

 Alors, je dois renoncer à mes tableaux, à tout ! Mais ce sont les perles de ma collection quil ma dérobées. Je donnerais une fortune pour les retrouver. Si on ne peut rien contre lui, quil dise son prix !

Ganimard le regarda fixement.

 Ça, cest une parole sensée. Vous ne la retirez pas ?

 Non, non, non. Mais pourquoi ?

 Une idée que jai.

 Quelle idée ?

 Nous en parlerons si lenquête naboutit pas Seulement, pas un mot de moi, si vous voulez que je réussisse.

Il ajouta entre ses dents :

 Et puis, vrai, je nai pas de quoi me vanter.

Les deux agents reprenaient peu à peu connaissance avec cet air hébété de ceux qui sortent du sommeil hypnotique. Ils ouvraient des yeux étonnés, ils cherchaient à comprendre. Quand Ganimard les interrogea, ils ne se souvenaient de rien.

 Cependant, vous avez dû voir quelquun ?

 Non.

 Rappelez-vous ?

 Non, non.

 Et vous navez pas bu ?

Ils réfléchirent, et lun deux répondit :

 Si, moi, jai bu un peu deau.

 De leau de cette carafe ?

 Oui.

 Moi aussi, déclara le second.

Ganimard la sentit, la goûta. Elle navait aucun goût spécial, aucune odeur.

 Allons, fit-il, nous perdons notre temps. Ce nest pas en cinq minutes que lon résoud les problèmes posés par Arsène Lupin. Mais, morbleu ! je jure bien que je le repincerai. Il gagne la seconde manche. À moi la belle !

Le jour même, une plainte en vol qualifié était déposée par le baron de Cahorn contre Arsène Lupin, détenu à la Santé !

* * *

Cette plainte, le baron la regretta souvent quand il vit le Malaquis livré aux gendarmes, au procureur, au juge dinstruction, aux journalistes, à tous les curieux qui sinsinuent partout où ils ne devraient pas être.

Laffaire passionnait déjà lopinion. Elle se produisait dans des conditions si particulières, le nom dArsène Lupin excitait à tel point les imaginations, que les histoires les plus fantaisistes remplissaient les colonnes des journaux et trouvaient créance auprès du public.

Mais la lettre initiale dArsène Lupin, que publia lÉcho de France (et nul ne sut jamais qui en avait communiqué le texte), cette lettre où le baron Cahorn était effrontément prévenu de ce qui le menaçait, causa une émotion considérable. Aussitôt des explications fabuleuses furent proposées. On rappela lexistence des fameux souterrains. Et le parquet influencé poussa ses recherches dans ce sens.

On fouilla le château du haut en bas. On questionna chacune des pierres. On étudia les boiseries et les cheminées, les cadres des glaces et les poutres des plafonds. À la lueur des torches, on examina les caves immenses où les seigneurs du Malaquis entassaient jadis leurs munitions et leurs provisions. On sonda les entrailles du rocher. Ce fut vainement. On ne découvrit pas le moindre vestige de souterrain. Il nexistait point de passage secret.

Soit, répondait-on de tous côtés, mais des meubles et des tableaux ne sévanouissent pas comme des fantômes. Cela sen va par des portes et par des fenêtres, et les gens qui sen emparent, sintroduisent et sen vont également par des portes et des fenêtres. Quels sont ces gens ? Comment se sont-ils introduits ? Et comment sen sont-ils allés ?

Le parquet de Rouen, convaincu de son impuissance, sollicita le secours dagents parisiens. M. Dudouis, le chef de la Sûreté, envoya ses meilleurs limiers de la brigade de fer. Lui-même fit un séjour de quarante-huit heures au Malaquis. Il ne réussit pas davantage.

Cest alors quil manda linspecteur principal Ganimard dont il avait eu si souvent loccasion dapprécier les services.

Ganimard écouta silencieusement les instructions de son supérieur, puis, hochant la tête, il prononça :

 Je crois que lon fait fausse route en sobstinant à fouiller le château. La solution est ailleurs.

 Et où donc ?

 Auprès dArsène Lupin.

 Auprès dArsène Lupin ! Supposer cela, cest admettre son intervention.

 Je ladmets. Bien plus, je la considère comme certaine.

 Voyons, Ganimard, cest absurde. Arsène Lupin est en prison.

 Arsène Lupin est en prison, soit. Il est surveillé, je vous laccorde. Mais il aurait les fers aux pieds, des cordes aux poignets et un bâillon sur la bouche, que je ne changerais pas davis.

 Et pourquoi cette obstination ?

 Parce que, seul, Arsène Lupin est de taille à combiner une machine de cette envergure, et de la combiner de telle façon quelle réussisse comme elle a réussi.

 Des mots, Ganimard !

 Qui sont des réalités. Mais voilà, quon ne cherche pas de souterrain, de pierres tournant sur un pivot, et autres balivernes de ce calibre. Notre individu nemploie pas des procédés aussi vieux jeu. Il est daujourdhui, ou plutôt de demain.

 Et vous concluez ?

 Je conclus en vous demandant nettement lautorisation de passer une heure avec lui.

 Dans sa cellule ?

 Oui. Au retour dAmérique nous avons entretenu, pendant la traversée, dexcellents rapports, et jose dire quil a quelque sympathie pour celui qui a su larrêter. Sil peut me renseigner sans se compromettre, il nhésitera pas à méviter un voyage inutile.

Il était un peu plus de midi lorsque Ganimard fut introduit dans la cellule dArsène Lupin. Celui-ci, étendu sur son lit, leva la tête et poussa un cri de joie.

 Ah ! ça, cest une vraie surprise. Ce cher Ganimard, ici !

 Lui-même.

 Je désirais bien des choses dans la retraite que jai choisie mais aucune plus passionnément que de vous y recevoir.

 Trop aimable.

 Mais non, mais non, je professe pour vous la plus vive estime.

 Jen suis fier.

 Je lai toujours prétendu : Ganimard est notre meilleur détective. Il vaut presque, vous voyez comme je suis franc ! il vaut presque Sherlock Holmes. Mais, en vérité, je suis désolé de navoir à vous offrir que cet escabeau. Et pas un rafraîchissement ! pas un verre de bière ! Excusez-moi, je suis là de passage.

Ganimard sassit en souriant, et le prisonnier reprit, heureux de parler :

 Mon Dieu, que je suis content de reposer mes yeux sur la figure dun honnête homme ! Jen ai assez de toutes ces faces despions et de mouchards qui passent dix fois par jour la revue de mes poches et de ma modeste cellule, pour sassurer que je ne prépare pas une évasion. Fichtre, ce que le gouvernement tient à moi !

 Il a raison.

 Mais non ! je serais si heureux quon me laissât vivre dans mon petit coin !

 Avec les rentes des autres.

 Nest-ce pas ? Ce serait si simple ! Mais je bavarde, je dis des bêtises, et vous êtes peut-être pressé. Allons au fait, Ganimard ! Quest-ce qui me vaut lhonneur dune visite ?

 Laffaire Cahorn, déclara Ganimard, sans détour.

 Halte-là ! une seconde Cest que jen ai tant daffaires ! Que je trouve dabord dans mon cerveau le dossier de laffaire Cahorn Ah ! voilà, jy suis. Affaire Cahorn, château du Malaquis, Seine-Inférieure Deux Rubens, un Watteau, et quelques menus objets.

 Menus !

 Oh ! ma foi, tout cela est de médiocre importance. Il y a mieux ! Mais il suffit que laffaire vous intéresse Parlez donc, Ganimard.

 Dois-je vous expliquer où nous en sommes de linstruction ?

 Inutile. Jai lu les journaux de ce matin. Je me permettrai même de vous dire que vous navancez pas vite.

 Cest précisément la raison pour laquelle je madresse à votre obligeance.

 Entièrement à vos ordres.

 Tout dabord ceci : laffaire a bien été conduite par vous ?

 Depuis A jusquà Z.

 La lettre davis ? le télégramme ?

 Sont de votre serviteur. Je dois même en avoir quelque part les récépissés.

Arsène ouvrit le tiroir dune petite table en bois blanc qui composait avec le lit et lescabeau tout le mobilier de sa cellule, y prit deux chiffons de papier et les tendit à Ganimard.

 Ah ! ça mais, sécria celui-ci, je vous croyais gardé à vue et fouillé pour un oui ou pour un non. Or vous lisez les journaux, vous collectionnez les reçus de la poste

 Bah ! ces gens-là sont si bêtes ! Ils décousent la doublure de ma veste, ils explorent les semelles de mes bottines, ils auscultent les murs de cette pièce, mais pas un naurait lidée quArsène Lupin soit assez niais pour choisir une cachette aussi facile. Cest bien là-dessus que jai compté.

Ganimard, amusé, sexclama :

 Quel drôle de garçon vous faites ! Vous me déconcertez. Allons, racontez-moi laventure.

 Oh ! oh ! comme vous y allez ! Vous initier à tous mes secrets vous dévoiler mes petits trucs Cest bien grave.

 Ai-je eu tort de compter sur votre complaisance ?

 Non, Ganimard, et puisque vous insistez

Arsène Lupin arpenta deux ou trois fois sa chambre, puis sarrêtant :

 Que pensez-vous de ma lettre au baron ?

 Je pense que vous avez voulu vous divertir, épater un peu la galerie.

 Ah ! voilà, épater la galerie ! Eh bien, je vous assure, Ganimard, que je vous croyais plus fort. Est-ce que je mattarde à ces puérilités, moi, Arsène Lupin ! Est-ce que jaurais écrit cette lettre si javais pu dévaliser le baron sans lui écrire ? Mais comprenez donc, vous et les autres, que cette lettre est le point de départ indispensable, le ressort qui a mis toute la machine en branle. Voyons, procédons par ordre, et préparons ensemble, si vous voulez, le cambriolage du Malaquis.

 Je vous écoute.

 Donc, supposons un château rigoureusement fermé, barricadé, comme létait celui du baron Cahorn. Vais-je abandonner la partie et renoncer à des trésors que je convoite, sous prétexte que le château qui les contient est inaccessible ?

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